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[développements]
[construction]
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fut élu pape sous le nom d’Urbain IV, à Viterbe ; il mourut en 1264. Pendant son pontificat, il voulut faire élever à Troyes une église sous le vocable de saint-Urbain : ce monument fut commencé, rapidement construit ; il resta inachevé cependant, le successeur d’Urbain n’ayant probablement pas jugé à propos de continuer l’œuvre de son prédécesseur. Telle qu’elle est, l’église de Saint-Urbain de Troyes indique chez le maître de l’œuvre qui fut chargé de son érection une hardiesse singulière et une science de constructeur faite pour étourdir. Si la date de la fondation de l’église Saint-Urbain et celle de l’interruption des travaux n’était pas un fait historique d’une authenticité incontestable, on serait tenté de supposer que cet édifice fut construit vers le commencement du XIVe siècle. Nous-même, devant des preuves aussi peu discutables, nous avons hésité longtemps avant de croire que le XIIIe siècle avait vu commencer et achever ce qui existe de ce monument : ayant pour habitude de nous fier tout d’abord aux signes archéologiques, nous ne pouvions donner à la construction de Saint-Urbain une date antérieure au XIVe siècle ; mais une étude approfondie de la construction nous a fait voir que la tradition historique était d’accord avec le fait. On ne construisait plus ainsi au XIVe siècle. Seulement l’architecte de Saint-Urbain était un de ces artistes chez lesquels les principes les plus avancés de la théorie s’allient à une expérience profonde, à une pratique qui n’est jamais en défaut, à une connaissance sûre de la qualité des matériaux, à des ressources infinies dans l’exécution et une originalité naturelle ; c’était, pour tout dire en un mot, un homme de génie. Son nom nous est inconnu comme ceux de la plupart de ces artistes laborieux ; si le pape Urbain IV eût envoyé d’Italie un architecte pour bâtir son église à Troyes, certes nous le connaîtrions, mais nous n’aurions pas à nous étendre longuement sur son œuvre, car l’Italie méridionale, alors, n’élevait que des édifices qui ne fournissent guère de types propres à être étudiés.

Le plan de l’église de Saint-Urbain de Troyes est champenois. Le chœur rappelle celui de la petite église de Rieux que nous venons de donner ; sur les quatre piliers de la croisée devait s’élever une tour probablement fort élevée, si l’on examine la section large de ces piliers. Deux autres clochers flanquaient l’entrée, accompagnée d’un porche saillant comme celui de l’église Saint-Nicaise de Reims. La tour centrale ne fut point commencée, la nef et la façade restèrent inachevées. On peut toutefois, par ce qui reste de ces parties, se rendre un compte exact de ce que devait être cette église. Le chœur et les transsepts sont complets. Jetons les yeux d’abord sur le plan de l’église de Saint-Urbain (102), pris au niveau du rez-de-chaussée ; cet ensemble est nécessaire pour apprécier les diverses parties de sa construction. Ce plan présente des points d’appui solides, épais, résistants, une disposition générale très-simple. Planté entre deux rues, deux porches profonds, bien abrités, donnent entrée dans les deux branches de la croix. Au-dessus du rez-de-chaussée, à la hauteur de 3m,30, toute la construction ne présente plus qu’une lanterne vitrée, d’une