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[construction]
[développements]
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sur laquelle nous avons tracé, par des lignes blanches et ponctuées, la combinaison de l’appareil alternatif des assises. En S est un massif solidement bâti, non point en blocage, mais au moyen d’assises superposées formant tas-de-charge et portant la bascule du contre-fort de la galerie supérieure. Si nous coupons verticalement la pile suivant son axe MN, nous trouvons cette construction (96). A est le niveau des chapiteaux à la naissance des voûtes du bas-côté ; B, le sommier de ces voûtes avec son chaînage provisoire R, posé seulement pendant la construction, afin de maintenir le devers des piles et d’arrêter la poussée des arcs latéraux jusqu’à ce que ces piles soient chargées (voy. Chaînage) ; C, l’arc doubleau qui est libre ; D, les assises en encorbellement recevant le contre-fort E de la galerie de premier étage. Ce contre-fort, composé de grands morceaux de pierre posés en délit, est relié à la pile maîtresse I par un linteau intermédiaire F. En G est l’assise formant couverture de la galerie, passage supérieur au niveau de l’appui des fenêtres hautes et liaison. En H, la colonne isolée composée de grands morceaux de pierre comme le contre-fort, par conséquent rigide, laquelle vient soulager la tête de l’arc-boutant. Toute la charge est ainsi reportée sur la pile I, d’abord parce que c’est sur cette pile que naissent les arcs des voûtes, puis parce que le contre-fort E, ainsi que la colonne H, étant composés de pierres en délit, le tassement et la charge, par conséquent, se produisent sur cette pile I. Cette charge étant beaucoup plus considérable que celle s’appuyant sur le contre-fort E, il en résulte que les assises D en encorbellement détruisent complètement la bascule ou le porte-à-faux du contre-fort E. L’arc doubleau C est libre ; il ne peut être déformé par la pression des piles E, puisqu’elle n’agit pas sur ses reins. Cette construction est fort simple ; encore fallait-il la trouver ; mais voici qui indique la sagacité extraordinaire des maîtres de l’œuvre de cette partie si remarquable de la cathédrale d’Amiens. Les bas-côtés et chapelles rayonnantes du rond-point de cet édifice donnent en plan horizontal, au-dessus des bases, la fig. 97. Les arcs-boutants qui contre-buttent la poussée des voûtes supérieures sont à double volée, c’est-à-dire qu’ils chargent sur une première pile posée sur les faisceaux A de colonnes, et sur une seconde pile posée sur les culées B. En coupe suivant CB, ces arcs-boutants présentent le profil (98). Cette coupe fait assez voir que si la charge portant sur les piles C est considérable, celle portant sur les piles A est plus puissante encore, en ce qu’elle est active, produite non-seulement par le poids du contre-fort D, mais par la pression de l’arc-boutant. Toute construction composée d’assises tasse, et ce tassement est d’autant plus prononcé que la charge est plus forte. Un tassement se produisant sur les piles C n’aura aucun danger si les piles A tassent moins, car, en examinant la coupe 98, on verra que l’abaissement de quelques millimètres de la pile C, si la pile A résiste, n’aura pour effet que de faire presser davantage l’arc-boutant contre les reins des voûtes hautes et de bander toute la bâtisse avec plus de puissance en la pressant vers l’intérieur, qui ne peut se déformer du dehors