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[construction]
[développements]
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O étaient bâties par assises, il pourrait se faire que les joints en mortier, fortement comprimés par cette double action, vinssent à diminuer d’épaisseur ; or le moindre tassement dans la hauteur des piles O aurait pour effet de déranger tout l’équilibre du système. Au contraire, l’action de levier produit par les assises I et K sous la pile O a pour résultat (ces piles étant parfaitement rigides et incompressibles) de soutenir très-énergiquement la naissance des grandes voûtes.

On se rendra mieux compte de ce système de construction en supposant, par exemple, qu’on ait employé, pour l’exécuter, de la fonte de fer, de la pierre et du bois (82). Soit une colonne et son chapiteau en fonte A posés sur un dé en pierre et portant un sommier B de pierre. Le constructeur donne, vers l’intérieur de la nef, une plus forte saillie au chapiteau que du côté du collatéral. Sur ce chapiteau, il élève les assises BCDEFG, etc., en encorbellement. Il pose trois colonnes en fonte H le long du parement intérieur, doublées de trois autres colonnes H′ (voy. la section H″) ; ces colonnes HH′ sont reliées au contre-fort I par des colliers et un crampon K, afin de rendre le contre-fort solidaire de la pile et d’empêcher le rondissement de l’un ou de l’autre. Le contre-fort I est construit en assises de pierres. Sur les colonnes HH′, l’architecte pose les sommiers L de la grande voûte ; les deux colonnes latérales OO continuent seules jusqu’au linteau M qui contre-butte les arcs de la grande voûte. À l’extérieur, il élève une pile N en pierre afin de pouvoir maintenir le quillage intérieur dans la verticale au moyen de l’étaiement P contre-butté, pour éviter son relèvement, par les moises R. Il n’y a aucun inconvénient, au contraire, à ce que le contre-fort I, bâti en assises, vienne à se comprimer et tasser, car plus le point Q s’abaissera et plus l’étai P sera roidi contre la queue du linteau M. Cependant ce contre-fort I est nécessaire pour retenir la queue du linteau M dans un plan horizontal, mais surtout pour donner de la stabilité à la colonne A. En effet, il n’est pas besoin d’être fort versé dans la connaissance des lois d’équilibre pour savoir que si, entre une colonne Y et une colonne S, grêles toutes deux (82 bis), nous posons plusieurs assises horizontales, il sera impossible, si chargée que soit la colonne S, et si bien étrésillonnées que soient les assises dans un sens, de maintenir ces deux quilles dans un plan vertical parallèle au plan des étrésillons ; tandis que, posant sur une colonne T (82 ter) des assises horizontales V, étrésillonnées dans un sens, et sur ces assises deux supports ou chandelles XX′ passant dans un plan vertical perpendiculaire au plan des étrésillons, en supposant d’ailleurs ces deux chandelles XX′ chargées, nous pourrons maintenir les colonnes XX′ et T dans des plans parallèles aux étrésillons. C’est en cela que consiste tout le système de la construction des nefs gothiques posant sur des colonnes. Là est l’explication des galeries superposées de l’architecture bourguignonne, sorte de contre-fort vide dont le parement intérieur est rigide et le parement extérieur compressible, donnant ainsi une grande puissance de résistance et d’assiette aux naissances des voûtes hautes, évitant des culées énormes pour contre-