Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[construction]
[développements]
— 140 —

R ; il se briserait en S et la pile K s’inclinerait. Mais l’architecte recule son pinacle, charge la pile en dehors de son aplomb jusqu’au point E, c’est-à-dire jusqu’au point où la rupture de l’arc-boutant aurait lieu ; il arrête donc cette rupture, car sous la charge le point S′ de l’arc-boutant ne peut se relever ; mais le pinacle D ne fait que comprimer l’arc, il ne le charge pas, puisque l’espace CO est plus grand que l’espace OP : donc la charge du pinacle, qui est une construction homogène bien faite, en grandes pierres de taille, se porte sur OC, le centre de gravité du pinacle étant entre O et C ; donc, l’arc démoli, ce pinacle resterait debout ; donc il charge la pile K d’un poids supérieur à celui qu’aurait un pinacle n’ayant que FG de largeur ; donc il assure ainsi la stabilité de la pile FG, trop faible par elle-même pour résister à la poussée sans l’appoint de cette charge, et, en même temps, il comprime les reins de l’arc-boutant au point où cet arc tendrait à se briser en se relevant. Le fait est encore plus probant que toutes les déductions logiques ; la construction de la nef de Notre-Dame de Dijon, malgré la faiblesse de ses contre-forts extérieurs, n’a pas subi la moindre déformation. Ne perdons pas de vue l’intérieur ; observons que les voûtes ne poussent pas directement sur la tête des arcs-boutants, et qu’entre la tête de ces arcs et le sommier de la voûte il existe, au-dessus du triforium U, un contre-fort intérieur V seulement au droit de cette poussée, et qui neutralise singulièrement son action. Étudions les détails : le bloc de pierre T, contre lequel vient butter le dernier claveau de l’arc-boutant, n’est autre que le linteau portant le contre-fort dont nous venons de parler, et dans la hauteur duquel linteau sont pris les deux chapiteaux qui portent les formerets de la voûte (voy. fig. 78). Ce linteau est juste posé au niveau de l’action de la poussée de la grande voûte.

Disséquons cette construction pièce à pièce (80). Nous voyons en A la colonne, quille principale du triforium au droit des piles qui portent les naissances d’un arc doubleau et de deux arcs ogives, quille flanquée de ses deux colonnettes B. En C les grandes colonnettes en délit qui posent sur le tailloir du gros chapiteau du rez-de-chaussée, et qui passent devant le groupe ABB pour venir sous l’assise M des chapiteaux des arcs de la grande voûte ; assise d’un seul morceau. En D le chapiteau du triforium. En E le sommier de l’arcature du triforium, d’un seul morceau. En F les deux morceaux fermant l’arcature. En G l’assise du plafond du triforium reliant l’arcature et l’assise des chapiteaux M au contre-fort extérieur sous le comble, contre-fort dont les assises sont tracées en H. En G′ une des dalles posées à la suite de celle G et reliant le reste de l’arcature à la cloison bâtie sous les fenêtres supérieures dont I est l’appui. Ces dalles G′ portent le filet-solin K recouvrant le comble du bas-côté. En L le premier morceau de contre-fort extérieur vu au-dessus du comble. En M l’assise des chapiteaux des grandes voûtes portant les deux bases des colonnettes en délit des formerets. En N le sommier des grandes voûtes dont le lit supérieur est horizontal, et qui porte les naissances des deux arcs ogives