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[charpente]
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La fig. 4[1] explique cette combinaison. En A sont les pannes, en B le faîtage ; la ligne ponctuée CD indique les chevrons. Les murs pouvaient ainsi être réduits d’épaisseur. Les extrémités de l’entrait s’assemblent à queue d’aronde dans la sablière E ; celle F est entaillée pour recevoir les abouts des chevrons qui sont retenus sur le faîtage, les pannes et les sablières, par des chevilles de chêne. Mais ce moyen présente d’assez grands défauts ; les pannes, posées de plat, sont faibles ; elles ne portent que sur leurs tenons. Aussi n’employa-t-on ce système d’assemblage de charpente qu’assez rarement ; nous ne le retrouvons guère adopté dans les constructions du Nord. Les liens courbes, si les arbalétriers étaient trop chargés, devaient, par leur pression sur l’entrait, le faire fléchir. Ces fermes ne pouvaient être employées que pour couvrir des nefs étroites, et n’eussent pu, exécutées sur de grandes dimensions, conserver leur rigidité. Ces exemples font voir qu’alors les charpentiers ne se rendaient pas un compte exact de la fonction de l’entrait, qui doit être uniquement d’empêcher l’écartement des arbalétriers, mais qui ne peut et ne doit supporter aucune charge ; aussi, on changea promptement les jambettes A (fig. 3), et, les retournant, on les assembla dans l’extrémité inférieure du poinçon (5). L’entrait restait libre alors, suspendu au milieu de sa portée par le poinçon, et les deux jambettes, converties en liens B, arrêtèrent parfaitement la flexion des arbalétriers. Ces données élémentaires avaient été adoptées déjà dans l’antiquité ; mais la préoccupation des architectes romans de donner à leurs charpentes l’apparence d’une voûte avait fait préférer le système vicieux dont les fig. 3 et 4 nous donnent des exemples. Les petites dimensions des charpentes romanes encore existantes et leur extrême rareté ne nous permettent pas de nous étendre sur l’art de la charpenterie à cette époque reculée ; nous serions obligés de nous lancer dans les conjectures, et c’est ce que nous voulons éviter.

  1. Charpente de l’église de Villeneuve (arrond. de Blaye), XIIIe siècle.