Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 3.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[chateau]
— 86 —

enceinte, large tête de pont qui fut bientôt remplie d’habitations et prit le nom de Petit-Andely. Un étang, formé par la retenue des eaux de deux ruisseaux en D, isola complètement cette tête de pont. Le grand Andely E, qui existait déjà avant ces travaux, fut également fortifié, enclos de fossés que l’on voit encore et sont remplis par les eaux des deux ruisseaux. Sur un promontoire élevé de plus de cent mètres au-dessus du niveau de la Seine, et qui ne se relie à la chaîne crayeuse que par une mince langue de terre, du côté sud, la forteresse principale fut assise en profitant de toutes les saillies du rocher. En bas de l’escarpement, et enfilée par le château, une estacade F, composée de trois rangées de pieux, vint barrer le cours de la Seine[1]. Cette estacade était en outre protégée par des ouvrages palissadés établis sur le bord de la rive droite et par un mur descendant d’une tour bâtie à mi-côte jusqu’au fleuve ; de plus, en amont, et comme une vedette du côté de la France, un fort fut bâti sur le bord de la Seine en H, et prit le nom de Boutavant. La presqu’île retranchée à la gorge et gardée, il était impossible à une armée ennemie de trouver l’assiette d’un campement sur un terrain raviné, couvert de roches énormes. Le val situé entre les deux Andelys, rempli par les eaux abondantes des ruisseaux, commandé par les fortifications des deux bourgs situés à chacune de ses extrémités, dominé par la forteresse, ne pouvait être occupé, non plus que les rampes des coteaux environnants. Ces dispositions générales prises avec autant d’habileté que de promptitude, Richard apporta tous ses soins à la construction de la forteresse principale qui devait commander l’ensemble des défenses. Placée, comme nous l’avons dit, à l’extrémité d’un promontoire dont les escarpements sont très-abrupts, elle n’était accessible que par cette langue de terre qui réunit le plateau extrême à la chaîne crayeuse ; toute l’attention de Richard se porta d’abord de ce côté attaquable.

Voici (11) quelle fut la disposition de ses défenses ; car il faut dire que le roi anglo-normand présidait lui-même à l’exécution de ce château, dirigeait les ouvriers, hâtait leur travail, et ne les quitta pas que l’œuvre ne fût achevée conformément à ses projets. En A, en face de la langue de terre qui réunit l’assiette du château à la hauteur voisine, il fit creuser un

  1. « Au desus et travers de Sainne,
    « Estoïent en cete semainne
    « Ordenéement, comme aliz,
    « Entroit Gaillart trois granz paliz
    « A touchant l’une et l’autre rive.
    « N’i furent pas mis par oidive,
    « Mes pour faire aus nés destourbance
    « Que l’en amenast devers France.
    « Jamais nule nef ne fut outre
    « Qui ne féist les piex descoutre ;
    « Dont là ot plainnes maintes barges. »

    (Guill. Guiart, Branche des roy. lignages, vers 3 299 et suiv.)