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un collège pendant le moyen âge, car les universités d’Oxford et de Cambridge ont conservé à peu près intacts leurs immenses revenus et maintiennent leurs vieilles coutumes. Chacun de ces collèges contient une vaste chapelle, une bibliothèque, un réfectoire, des cuisines et leurs dépendances, un logement pour le principal, des chambres pour les élèves, des logements pour les associés, fellows[1], des salles, des jardins, des prés, une brasserie, quelquefois un jeu de paume. Tous ces grands établissements, richement dotés, admirablement entretenus, bien situés, entourés de jardins magnifiques, présentent l’aspect de l’abondance et du calme. Si on devait leur adresser un reproche, c’est d’habituer les jeunes gens à une existence princière ; mais les mœurs anglaises ne ressemblent pas aux nôtres. Les collèges d’Oxford et de Cambridge semblent n’être faits que pour les classes élevées de la société. Depuis deux cents ans, nous sommes tombés en France dans l’excès opposé ; la plupart de nos collèges, établis dans de vieux bâtiments, resserrés, sans air, sans verdure autour d’eux, ou bâtis avec une parcimonie déplorable, tristes en dedans ou au dehors, accumulant les étages les uns sur les autres, les bâtiments à côté les uns des autres, ne montrant aux écoliers que des murs nus et noirs, des cours fermées et humides, des couloirs sombres, partout la pauvreté avec ses tristes expédients, semblent destinés à faire regretter la maison paternelle aux écoliers qui doivent y passer huit ou dix années de leur jeunesse. Dans ces tristes demeures, l’art n’entre pas, il semble exclu ; tout ce qui frappe les yeux de la jeunesse est dépouillé, froid, maussade, comme si ces établissements étaient destinés à froisser les âmes délicates, celles qui sont les plus propres à former des artistes, des hommes de lettres, des savants, celles chez qui l’étude ne pénètre qu’en se parant d’une enveloppe aimable. Avant de jeter l’épithète de barbares aux siècles qui sont déjà loin de nous, portons nos regards sur nous-mêmes, et demandons-nous si un peuple intelligent, sensible, facile à émouvoir pour le bien comme pour le mal, si un peuple qui tient le premier rang dans les travaux de l’esprit, n’a besoin que de routes, de ponts, de larges rues, de marchés magnifiques et de boutiques splendides ; s’il n’est pas nécessaire d’élever la jeunesse dans des établissements sains, bien disposés, agréables à la vue, dans lesquels le goût et l’art interviennent pour quelque chose.

Les entrées de nos collèges du moyen âge étaient élégantes, décorées par les statues de leurs fondateurs. L’écolier qui venait s’enfermer dans ces demeures consacrées à l’étude n’éprouvait pas ce sentiment de répulsion qui, dès l’abord, s’empare des nôtres aujourd’hui lorsqu’ils se trouvent devant ces portes nues, sombres, qui ressemblent à l’entrée d’un

  1. Les fellows sont d’anciens élèves qui demeurent associés au collège par un privilège particulier ; les fellows conservent toute leur vie durant le droit d’avoir un logement dans le collège, d’y entretenir un cheval, d’y prendre la bière. Il est des collèges d’Oxford ou de Cambridge qui entretiennent jusqu’à quinze et vingt fellows.