Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 3.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[cloître]
— 411 —

été remises ; enfin, à acquitter exactement la pension et les autres charges auxquelles la maison était imposée[1]. » Ces maisons étaient dotées de terres et de rentes, mais elles étaient en même temps grevées de charges nombreuses et très-variées ; aussi les chanoines cherchaient-ils les moyens de diminuer, autant que faire se pouvait, l’étendue de ces charges par des bénéfices étrangers à leur état. Ils vendaient du vin en détail, ouvraient même des tavernes, louaient partie des locaux qui leur étaient affectés ; aussi les statuts capitulaires suppriment expressément ces abus, ce qui prouve qu’ils existaient. Ils défendent aussi à tout chanoine de laisser passer la nuit dans la maison claustrale « à aucune femme, religieuse ou autre, à l’exception de sa mère, de sa sœur, de sa parente au troisième degré, ou d’une femme de haut rang qu’on ne peut éconduire sans scandale[2]. » Ces statuts s’élèvent à plusieurs reprises, pendant les XIIIe et XIVe siècles, contre les abus résultant de la présence des femmes dans le cloître des chanoines. Le cloître de Notre-Dame de Paris, comme la plupart de ceux des grandes cathédrales, était donc plutôt une agglomération de maisons comprises dans une enceinte fermée qu’un cloître proprement dit. Cependant nous verrons tout à l’heure que les maisons capitulaires n’excluaient pas les galeries de cloîtres dans certaines églises cathédrales. Les cloîtres de cathédrales conservaient ainsi souvent la physionomie d’un quartier ayant son enceinte particulière, ses rues et ses places. L’abbé Lebeuf[3] nous apprend que le cloître de la cathédrale d’Auxerre n’était, vers 1350, « qu’un amas de maisons voisines de l’église Saint-Étienne, dont la plupart appartenoient au Chapitre par donation des particuliers, par échange ou par acquisition… Qu’il n’y avoit que deux portes à ce cloître, vers la rivière de l’Yonne… L’on n’est pas bien certain, ajoute-t-il, quelles étoient les bornes du cloître dans le quartier d’en haut. Il y avoit seulement quelques marques qui en désignoient les limites, comme de grandes fleurs de lis et des croix de fer. Mais cet espace, quoique non fermé de ce côté-là, contenoit environ la moitié de l’ancien Auxerre. Il y avait franchise et immunité dans tout ce territoire pour tous les laïques même qui y demeuroient et qui la vouloient reconnaître et la requéroient. L’évêque y avoit seul toute seigneurie et justice temporelle haute, moyenne et basse, excepté dans

  1. « Canonicus qui recipit domum in claustro jurat quod, anno precedenti diem qua recepit illam, fecit stagium suum Parisiis per vigenti septimanas ; ita quod qualibet die fecit horam unam vel in capitulo vel in ecclesia… Item jurat quod domum illam et appendicias domus illius tenebit in eque bono statu in quo est, quando accipit illam, vel etiam meliori. Jurat etiam quod solvet pensionem domus illius et alia onera diebus statutis ad hoc, nisi dilationem habuerit ab illis ad quos pertinet receptio predictorum. » Chartul. Eccles. Parisiensis, Pars II, lib. IX, feb. 1240, XXVIII.
  2. … « Vel nisi alique magnates mulieres, que sine scandalo evitari non possunt… » Ibid., Pars III, lib. XX, nov. 1245, 1.
  3. Mém. concern. l’hist. civ. et ecclés. d’Auxerre, par l’abbé Lebeuf, publié par MM. Challe et Quantin, t. III, p. 227.