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bords du Rhin, de l’époque romane. On voit (fig. 85) que les deux derniers étages de la tour sont identiques : or il arrive souvent que ces tours possèdent jusqu’à six étages pareils ainsi superposés ; cela donne à ces édifices un aspect monotone qui fatigue ; on ne sait quel est celui ou ceux de ces étages qui contiennent des cloches, ou s’ils n’en contiennent pas tous. Les clochers du Rhin n’ont ni commencement ni fin, et on ne comprend pas pourquoi la construction comporte tant d’étages, ou pourquoi elle s’arrête au cinquième ou au sixième plutôt qu’au second. Les couronnements ne se relient d’aucune manière avec les étages carrés. Il y a là un manque total de goût et du sentiment des proportions, bien éloigné de nos conceptions françaises de la même époque, dont toutes les parties se lient avec art, et auxquelles il ne semble pas qu’on puisse rien retrancher ni rien ajouter.

Puisque nous venons de faire une excursion hors de France, nous parlerons aussi des clochers de Provence, qui ne sont pas plus français que les clochers du Rhin. Si les arts de Lombardie et des côtes de l’Adriatique avaient eu sur les bords du Rhin une puissante influence, les monuments romains qui couvraient le sol de la Provence régnaient encore en maîtres dans cette contrée au XIIe siècle. Les Romains de l’antiquité n’avaient pas construit de clochers, mais ils avaient érigé certains monuments votifs ou funéraires, comme celui de Saint-Remy par exemple, qui, à la rigueur, pouvaient fournir des types de clochers aux architectes du moyen âge. Ceux-ci, à défaut d’autres traditions ou influences, ne manquèrent pas de prendre pour modèles ces débris de l’architecture romaine. Nous trouvons, planté sur le pignon de la façade de l’église de Mollèges (Bouches-du-Rhône), un petit clocher du XIIe siècle qui reproduit assez exactement, quoique d’une manière barbare, le monument antique de Saint-Remy. Le clocher de Mollèges n’a pas plus de 2m,06 à sa base hors œuvre : il se compose d’un étage carré, porté sur quatre piliers réunis par quatre archivoltes, et d’une lanterne sur plan circulaire.

Nous donnons (86) le plan de l’étage inférieur, (87) le plan de la lanterne, et (88) l’élévation géométrale de ce clocher, dont l’unique cloche était suspendue au centre de la lanterne circulaire[1]. Cette cloche, dont le

  1. M. Révoil a bien voulu nous donner le relevé exact de ce clocher.