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beffrois, qu’on ne s’apercevrait pas, en voyant les constructions restantes, qu’il leur manque un complément nécessaire et prévu. L’architecte de l’église de Saint-Nicaise sut éviter ce grave défaut de composition, et, bien que ses deux clochers, conformément au mode adopté vers le milieu du XIIIe siècle, fassent partie de la façade et portent sur la première travée des collatéraux, ils marquent carrément leur place dès la base de l’édifice.

Nous donnons (75) l’un de ces deux clochers, semblables entre eux[1]. Au-dessus du collatéral était un étage voûté, ajouré, laissant passer la lumière à travers la fenêtre de la première travée de la nef. De la place située en avant du portail, on apercevait, à travers les fenêtres A de cette salle de premier étage, les arcs-boutants de la nef. La voûte de la salle de premier étage était élevée exactement à la hauteur de la voûte du vaisseau principal, et permettait ainsi d’éclairer la première travée de la nef. Rien n’est plus simple et mieux écrit qu’une pareille disposition, qui fait parfaitement voir la structure de l’église et qui laisse à la tour son caractère d’annexe. Des contre-forts, dépourvus d’ornements inutiles, montent jusqu’à la corniche B qui régnait de niveau avec celle de la nef. C’est sur ces contre-forts que sont portés les pinacles qui accompagnent quatre des côtés de l’octogone du beffroi. Ces pinacles sont à deux étages, l’un carré posé diagonalement comme ceux de la tour de Laon donnée ci-dessus, fig. 73, l’autre à huit pans. Une grande flèche surmonte l’étage octogone et quatre petites pyramides couronnent les pinacles. Deux galeries à jour C passant, l’une immédiatement derrière le grand pignon de la nef, et l’autre en arrière, reliaient les deux tours à mi-étage des beffrois. Les clochers de Saint-Nicaise nous paraissent être la plus complète expression du clocher gothique attenant aux façades : légèreté et solidité, disposition simple, programme exactement rempli, construction bien entendue, rien ne manque à cette œuvre de Libergier ; il ne lui manque que d’être encore debout pour nous permettre de l’étudier dans ses détails. La gravure de la façade de l’église de Saint-Nicaise est assez parfaite pour permettre de restituer le plan de l’étage du beffroi, et ce plan n’est pas moins adroitement conçu que celui des clochers de Notre-Dame de Reims. Il présente même, dans ses dispositions, les qualités de simplicité qui manquent aux clochers de la cathédrale.

Le plan (75 bis) fait voir en A la section horizontale de la tour au niveau de l’étage inférieur, et en B au niveau de l’étage supérieur des pinacles. L’octogone de la tour, formé de quatre grands côtés et de quatre plus

  1. Notre dessin est fait d’après une charmante gravure, très-rare aujourd’hui, datée de 1625 et signée de N. De Son, Rémois. Contrairement aux habitudes des graveurs de cette époque, le caractère de l’édifice est reproduit avec une perfection qui ne laisse rien à désirer, les détails dessinés avec une finesse qui rappelle les meilleures gravures de Callot, la construction indiquée avec un soin scrupuleux. Cette gravure porte 0,39 c. de hauteur sur 0,30 c. de largeur, non compris le titre et les armoiries gravés en haut et en bas hors cadre, Une quantité de figures finement touchées remplissent la place en avant du portail. Il existe une copie de cette gravure qui lui est très-inférieure.