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l’inscription de l’une des cloches de la cité de Carcassonne, fondue vers le milieu du XVIe siècle.

Nous ne pensons pas que l’usage de sonner les cloches à grande volée soit très-ancien ; autrefois, on se contentait probablement de les mettre en branle de manière à ce que le battant vînt frapper le bord inférieur, ou de les tinter en attirant le battant sur le bord de la cloche. L’extrême étroitesse de beaucoup de clochers anciens ne peut permettre de sonner des cloches de dimension moyenne à grande volée ; et, autant qu’on en peut juger, la disposition des plus anciens beffrois est telle qu’elle n’eût pu résister à l’action de la cloche décrivant un demi-cercle.

Aujourd’hui, on a perfectionné la suspension des cloches de manière à rendre l’effet du branle à peu près nul (voy. Beffroi).

CLOCHER, s. m. Les églises bâties pendant les premiers siècles du christianisme, ne possédant pas de cloches, étaient naturellement dépourvues de clochers. Si, déjà, au VIIIe siècle, l’usage des cloches destinées à sonner les offices ou à convoquer les fidèles était répandu, ces cloches n’étaient pas d’une assez grande dimension pour exiger l’érection de tours considérables, et ces instruments étaient suspendus dans de petits campaniles élevés à côté de l’église, ou au-dessus des combles, ou dans des arcatures ménagées au sommet des pignons, ou même à de petits beffrois de bois dressés sur la façade ou les murs latéraux. Nous ne voyons pas qu’on ait fondu de grosses cloches avant le XIIe siècle ; encore ces cloches étaient-elles petites relativement à celles qui furent fabriquées dans les siècles suivants, et cependant le XIe et le XIIe siècle élevèrent des clochers qui ne le cèdent en rien, comme diamètre et hauteur, à ceux bâtis depuis le XIIIe siècle. On peut donc considérer les plus anciens clochers autant comme des monuments destinés à faire reconnaître l’église au loin, comme un signe de puissance, que comme des tours bâties pour contenir des cloches. Des motifs étrangers aux idées religieuses durent encore contribuer à faire élever des tours attenantes aux églises.

Pendant les incursions normandes sur les côtes du Nord, de l’Ouest et le long des bords de la Loire et de la Seine, la plupart des églises furent saccagées par ces barbares ; on dut songer à les mettre à l’abri du pillage en les enfermant dans des enceintes et en les appuyant à des tours solides qui défendaient leurs approches. Ces tours durent être naturellement bâties au-dessus de la porte de l’église, comme étant le point le plus attaquable. Dans ce cas, le placement des cloches n’était qu’accessoire ; on les suspendait au sommet de ces tours, dans les loges ou les combles qui les couronnaient. C’est, en effet, dans les contrées particulièrement ravagées par les incursions périodiques des Normands que nous voyons les églises abbatiales et même paroissiales précédées de tours massives dont malheureusement il ne nous reste guère aujourd’hui que les étages inférieurs.

L’église abbatiale de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, conserve