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des voûtes des bas-côtés du chœur de l’église abbatiale d’Eu, restaurées vers cette époque, et (21 bis) la coupe sur la ligne a b de cette clef, qui n’est qu’une dalle ajourée et sculptée de 0,08 c. d’épaisseur.

Vers la fin de ce siècle, on ne se contenta pas de décorer les voûtes par ces sortes de clefs. Lorsque l’étude des arts antiques et de la renaissance italienne vint se mêler aux traditions gothiques dégénérées, on ne changea pas tout d’abord les formes principales de l’architecture. Ces nouveaux éléments s’attachèrent aux détails, à l’ornementation. Il semble que les architectes français se plaisaient à jeter, au milieu de leurs combinaisons toutes gothiques encore, comme ensemble et comme système de construction, des fragments qu’ils allaient chercher dans les monuments romains ou de la renaissance italienne. En cela, notre renaissance diffère essentiellement de la renaissance d’outre-monts. Les Brunelleschi et, plus tard, les Bramante s’emparèrent des dispositions générales de l’architecture antique, bien plus encore que des détails ; ou plutôt les architectes italiens n’avaient jamais complètement perdu de vue les arts romains, et n’eurent, pour y revenir, qu’à laisser de côté des traditions corrompues des arts du Nord, qui, pendant les XIIIe et XIVe siècles, avaient pénétré à Florence, à Sienne, à Pérouse et jusque dans les États du pape.

Vers la fin du XVe siècle donc, nos architectes imaginèrent de placer, dans leurs édifices, tout gothiques comme construction, des réminiscences des arts d’Italie. Ils trouvèrent ingénieux, par exemple, de suspendre aux voûtes, des chapiteaux, des culots d’ornements quasi antiques et même parfois de petits modèles de monuments qui, eux, n’avaient plus rien de gothique. Partant de cet axiome de construction de la voûte gothique, que la clef doit être pesante afin d’empêcher le relèvement des nervures sous la pression des reins, ils posèrent des clefs dont les ornements pendants ressemblent à des stalactites. C’était le temps des plus grands écarts de l’architecture ; on ne se contenta plus d’un morceau de pierre, et on alla jusqu’à composer les clefs pendantes de pièces de rapport attachées à la

    armes du cardinal d’Avignon ; qu’en 1494, Nicolas Cordonnier, peintre, peint la clef de la première voûte de la nef alors achevée, « où sont les armes de Mgr  le grand archidiacre de Refuge ; » que sur la clef de la deuxième voûte il peint les armes de la ville, puis, sur les voûtes suivantes, celles du roi et de l’évêque de Troyes ; qu’enfin la clef de la cinquième voûte est dorée (voy. les Comptes de l’œuvre de l’église de Troyes. Troyes, Bouquot, édit. 1855).