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Christ triomphateur, soit peint, soit sculpté, est presque toujours représenté entouré des quatre signes des évangélistes, des apôtres ou des vingt-quatre vieillards. À Vézelay, ce sont les apôtres qui sont assis autour de lui (voy. Apôtres). Au portail occidental de Notre-Dame de Chartres, dont le tympan date de 1150 ou environ, ce sont les quatre animaux, les apôtres et les vieillards de l’Apocalypse. À Saint-Savin, ce sont, en peinture, les quatre animaux qui accompagnent l’auréole circulaire du fils de Dieu. À la cathédrale d’Autun (1150 environ), ce sont les apôtres, les animaux, des anges et démons, le jugement dernier, le pèsement des âmes. Au portail sud de l’église de Moissac, même époque, le Christ est coiffé d’une couronne carrée ; son buste seul est entouré du nimbe allongé ; à ses pieds sont le lion et le bœuf ; des deux côtés de ses épaules, l’ange et l’aigle ; deux anges de dimension colossale sont debout à droite et à gauche ; puis viennent les vingt-quatre vieillards, sous ses pieds et derrière les deux anges (voy. Tympan ). Ici le Christ tient un livre fermé de la main gauche et bénit de la droite, comme au portail de Chartres ; tandis qu’à Vézelay et à Autun il a les mains étendues et ouvertes. Il est certain que, pendant le XIIe siècle, l’idée dominante des sculpteurs était, lorsqu’ils représentaient le Christ dans sa gloire, de se rapprocher de la vision de saint Jean. Au XIIIe siècle, le Christ glorieux est représenté pendant le jugement dernier ; il est demi-nu, montre ses plaies ; autour de lui sont des anges tenant les instruments de la Passion, quelquefois aussi le soleil et la lune ; à ses pieds se développent les scènes de la résurrection et de la séparation des bons d’avec les méchants. C’est ainsi qu’il est représenté au portail principal de la cathédrale de Paris, au portail sud de la cathédrale de Chartres, au portail nord de la cathédrale de Bordeaux, au portail occidental de la cathédrale d’Amiens, etc. Alors les quatre animaux n’occupent plus qu’une place très-secondaire ou disparaissent entièrement. Le clergé français du XIIIe siècle avait évidemment voulu adopter la scène du jugement, bien plus dramatique, plus facile à comprendre pour la foule, que les visions de saint Jean. En abandonnant la tradition byzantine quant à la manière de représenter le Christ glorieux, on abandonnait également le costume et le faire oriental. Cependant le type de physionomie donné au Christ se modifie quelque peu ; la face est moins longue, les cheveux deviennent ondés sur les tempes au lieu d’être plats, les yeux sont moins ouverts, la bouche moins fine ; les traits se rapprochent davantage de l’humanité ; déjà on sent l’influence du réalisme occidental qui remplace les types consacrés. Le grand Christ du jugement du portail de la cathédrale de Paris est curieux à étudier sous ce rapport. Cette figure, fort belle d’ailleurs, n’a plus rien d’hiératique. Et, à ce propos, nous devons signaler ici un fait remarquable. En reprenant les soubassements des chapelles situées au nord de la nef de cette église, chapelles dont la construction ne saurait être postérieure à 1235 ou 1240, nous avons retrouvé des fragments d’un Christ colossal provenant évidemment d’un grand tympan, avec les traces