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en rien, ni comme forme, ni comme façon de le porter, le manteau romain ou franc. Le col est découvert ; les manches de la tunique sont larges, un peu fendues à leur extrémité et très-ouvertes. Quant à la face du fils de Dieu, elle offre un type tout nouveau alors pour l’Occident. Les yeux sont légèrement relevés vers leurs extrémités, saillants ; les joues longues et plates, le nez très-fin et droit, la bouche petite et les lèvres minces. La coiffure est conforme au signalement de Lentulus et la barbe courte, fournie, soyeuse et divisée en deux pointes.

Ce type, l’un des premiers peut-être introduits en France à la fin du XIe siècle ou au commencement du XIIe, dut être regardé, à cette époque, comme une œuvre remarquable, car nous le voyons reproduit, mais par des artistes grossiers, sur le tympan de la cathédrale d’Autun, postérieure de quelques années à la nef de Vézelay, puis à l’abbaye de Charlieu, puis enfin dans beaucoup d’églises secondaires ; mais en se divulguant ainsi, il perd de son caractère byzantin et reprend quelque chose aux vieilles traditions romaines. Évidemment les sculpteurs indigènes, tout en voulant imiter ces sculptures importées chez eux, ne pouvaient abandonner complètement les anciennes méthodes et ne faisaient que les modifier. Cet art byzantin ne convenait pas à l’esprit des populations occidentales ; il était trop hyératique ; l’observation de la nature, le besoin de l’imitation, du vrai, l’amour pour le dramatique, devaient exercer une influence salutaire d’abord, déplorable quand elle tomba dans l’excès. Cependant, cette introduction d’un art étranger avait eu un grand résultat ; elle formait de bons praticiens, car cette figure du Christ dont nous venons de donner une copie est exécutée avec une adresse de main très-remarquable, ainsi que le reste de ce bas-relief ; on sent là un art complet, quoique soumis à une forme hyératique. Ce qui se produisait en France pour la sculpture se produisait également pour la peinture. Les fresques de l’église abbatiale de Saint-Savin près Poitiers, qui datent à peu près de la même époque que le bas-relief de Vézelay, dénotent une influence byzantine prononcée, au moins dans la représentation des personnages sacrés ; celles qui se voyaient encore dans la cathédrale du Puy-en-Vélay, il y a quelques années, se rapprochaient encore davantage des types grecs. Ce n’est pas à dire que nous regardions les peintures de Saint-Savin ou du Puy comme ayant été exécutées par des artistes grecs ; il est certain, au contraire, qu’elles sont l’œuvre de peintres occidentaux. Le geste dramatique n’a rien de byzantin ; c’est seulement dans la méthode, dans les procédés et quelques types, comme celui du Christ, que la trace des arts d’Orient se fait sentir. La fig. 2 nous dispensera de plus longues dissertations sur cet objet. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces influences d’écoles au mot Peinture.

C’est surtout dans les représentations du Christ triomphant, au milieu de sa gloire, qu’il faut étudier la physionomie donnée, pendant le moyen âge, au fils de Dieu ; car c’est en traitant ce sujet que les artistes se sont appliqués à rendre les traits et le port donnés au Sauveur par la tradition.