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venaient à la reconstruction de la nef après avoir achevé celle du chœur, il leur était facile de réparer leur erreur, et de prolonger l’axe du sanctuaire pour en faire l’axe de la nef nouvelle. Certainement cela leur eût été facile, s’ils n’eussent dû soit conserver de vieilles fondations, soit se raccorder avec une façade déjà élevée de quelques mètres, soit enfin, admettant qu’ils n’eussent ni fondations anciennes à conserver, ni façade à respecter, se tenir entre des lignes de bâtiments presque toujours accolés aux murs de l’église, tels que cloîtres, salles capitulaires, logis, que l’on voulait conserver parce qu’on ne pouvait s’en passer, même temporairement. Ces constructions que nous admirons gênaient fort les chanoines ou les moines, et il fallait la ferme volonté des abbés, au XIIe siècle, et des évêques, au XIIIe, et leur souveraine puissance, pour vaincre des oppositions nombreuses dont nous retrouvons les traces même encore aujourd’hui. Or tous ceux qui sont appelés à diriger des constructions savent quelles sont les difficultés incessantes que soulèvent ces oppositions de chaque jour, quelles que soient la fermeté et la volonté du maître. Il n’est pas surprenant que les architectes des XIIe et XIIIe siècles n’aient pas eu leurs coudées franches et aient été conduits souvent, par des motifs bien misérables, à des erreurs ou des irrégularités qui nous paraissent inexplicables aujourd’hui.

CHRIST (Jésus). Nous ne tenterons pas de faire l’histoire des premières représentations peintes ou sculptées de Jésus-Christ, après les travaux des Ciampini, des Eckel, des Ducange, des Bottari, des Bosio, des d’Agincourt, et ceux plus récents de M. Raoul Rochette[1], de M. Didron[2], des RR. PP. Martin et Cahier[3]. Avant l’époque dont nous nous occupons particulièrement, les représentations du Sauveur sont diverses ; les plus anciennes, celles que l’on trouve dans les catacombes de Rome et sur les sarcophages chrétiens, nous montrent Jésus sous la forme d’un jeune homme imberbe, portant le vêtement romain, la tête nue avec de longs cheveux ou ceinte d’un diadème ou d’une bandelette, et tenant à la main le volumen antique roulé. Cependant, dès une époque reculée, on prétendait posséder des portraits authentiques de Jésus-Christ. Saint Jean Damascène dit qu’une tradition accréditée de son temps reconnaissait un portrait de Jésus empreint sur un morceau d’étoffe par le Sauveur lui-même pour satisfaire au désir d’Abgare, roi d’Édesse. Pendant les premiers siècles de l’Église, il circulait un signalement (apocryphe il est vrai) de Jésus, envoyé par Lentulus au sénat ; ce signalement, par son ancienneté, sinon par son origine plus que douteuse, n’en a pas moins une grande valeur, car il est mentionné par les premiers Pères de l’Église, et servit de type aux images adoptées plus tard par les Églises grecque et

  1. Disc. sur les types imitatifs de l’art chrétien.
  2. Iconographie chrétienne.
  3. Mélanges archéol. Vitraux de Bourges.