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de l’épître). En face, plus tard, furent disposées les tombes de Philippe V, de la reine Jeanne d’Évreux, de Charles le Bel son époux, de Jeanne de Bourgogne, de Philippe de Valois et du roi Jean. Le magnifique monument de Charles VIII, en bronze doré et émaillé, se trouvait, du même côté, en avant de la clôture de l’autel matutinal (voy. Tombeau).

Toutes les églises abbatiales ne pouvaient réunir dans leurs chœurs une aussi grande quantité de monuments précieux comme art et comme matière ; cependant elles rivalisaient de zèle et de soins pour décorer les clôtures religieuses. Le chœur de l’abbaye de Cluny était magnifique, le nombre des stalles considérable, le luminaire splendide. Le sanctuaire était entouré de grilles et de tombeaux qui formaient clôture. Cet usage d’employer les tombeaux en guise de clôture pour les sanctuaires se retrouve également dans beaucoup d’autres églises abbatiales et cathédrales, à Saint-Germain-des-Prés, à l’abbaye d’Eu, dans les cathédrales de Rouen, d’Amiens, de Limoges, de Narbonne. Les tombes des princes, des évêques, protègent les sanctuaires (voy. Clôture, Tombeau).

Les chœurs des églises paroissiales reproduisaient, sur de petites dimensions, les dispositions adoptées dans les cathédrales. Cependant, comme les églises paroissiales étaient, avant tout, faites pour les fidèles, les chœurs ne furent guère entourés que de clôtures à jour en fer ou en pierre, et les jubés laissaient voir l’autel sous des arcs portés par de fins piliers. Il ne paraît pas, d’ailleurs, que des jubés aient été très-anciennement élevés à l’entrée des chœurs des églises paroissiales, tandis qu’à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, au contraire, on établit des jubés devant les chœurs de ces églises (voy. Jubé). Nous ne devons pas omettre de signaler à nos lecteurs les chœurs des églises qui étaient dépourvues de bas-côtés, comme, par exemple, la cathédrale d’Alby. Dans ce cas, le chœur formait une église dans l’église, avec un espace laissé entre cette clôture et les chapelles rayonnantes ; cette disposition est rare en France, et ne se rencontrait que dans quelques églises du Midi.

Presque toutes les églises françaises, et particulièrement les grandes églises abbatiales et cathédrales, présentent une déviation plus ou moins prononcée dans leur axe, à la réunion du chœur avec les transsepts, soit vers le nord, soit vers le sud. On a cherché naturellement à donner l’explication de cette singularité. L’auteur du moyen âge qui pouvait le mieux en donner la raison, Guillaume Durand, qui applique à chaque partie de l’église une signification symbolique, n’en dit mot. Les archéologues modernes ont voulu voir, dans cette inclinaison donnée à l’axe des chœurs des églises, soit une représentation mystique de l’inclinaison de la tête du Christ sur la croix, soit une orientation particulière de l’abside vers le levant et de la façade vers le couchant. Nous ne discuterons pas ces deux opinions, qui ne sont basées sur aucun texte et qui sont plus ingénieuses que vraisemblables ; car, dans l’une ou l’autre hypothèse, l’inclinaison serait toujours dirigée du même côté, ce qui n’est point, et