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[chœur]
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de larges espaces dans lesquels les cérémonies du culte, et même des assemblées civiles, pussent se développer à l’aise. Il ne faut pas oublier que les cathédrales de cette époque furent élevées dans un esprit opposé à l’esprit monastique, pour attirer et réunir les habitants des cités populeuses autour de leur évêque. Les évêques voulaient que les fêtes religieuses fussent la fête de tous. Aussi les chœurs et les sanctuaires des cathédrales ne s’élèvent que de deux ou trois marches au-dessus du pavé de la nef ; les transsepts sont abandonnés aux fidèles, les larges bas-côtés qui entourent les absides sont presque toujours de plain-pied avec le chœur, et n’en sont séparés par aucune clôture. De tous côtés la vue s’étend, l’accès est facile.

Du temps de Guillaume Durand encore, à la fin du XIIIe siècle, il ne semble pas que les chœurs fussent généralement entourés de stalles fixes et de clôtures. « L’ornement du chœur, dit-il[1], ce sont des dorsals, des tapis que l’on étend sur le pavé, et des bancs garnis (bancalia). Les dorsals (dorsalia) sont des draps que l’on suspend dans le chœur derrière le dos des clercs[2]… » Plus loin, à propos des fêtes de Pâques, il dit[3] : « On approprie les églises, on en décore les murailles en y étalant des draperies. On place des chaires dans le chœur, on y déploie des tapis et on y dispose des bans[4]… L’autel est décoré de tous ses ornements ; dans certaines églises, ce sont des étendards qui désignent la victoire de Jésus-Christ, des croix et autres reliques. »

Dans toutes les cathédrales primitives la place de l’évêque était au fond de l’abside, dans l’axe ; celles des officiers qui assistaient le prélat lorsqu’il disait la messe étaient à droite et à gauche en demi-cercle ; cette disposition justifie l’une des étymologies données au mot chœur, corona ; alors l’autel n’était qu’une table sans retable, placée entre le clergé et le bas-chœur où se tenaient les chanoines et clercs ; puis venaient les laïques rangés dans les transsepts et la nef, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Cette disposition fut conservée dans quelques cathédrales, jusque vers le milieu du dernier siècle, entre autres à Lyon, ainsi que l’atteste le sieur de Mauléon, dans ses Voyages liturgiques. À l’une des extrémités de l’hémicycle qui garnissait l’abside du côté de l’épître, s’asseyait le prêtre célébrant qui avait à côté de lui un pupître pour lire l’épître. L’officiant à l’autel faisait face à l’orient. Derrière le grand autel, entouré d’une balustrade, était un autel plus petit. Depuis cet autel jusqu’au fond de l’abside où se trouvait placé le siège archi-épiscopal, il restait un vaste espace libre au milieu duquel on plaçait, sur une sorte de pupître, la chape pour l’officiant, et à côté un réchaud contenant de la braise pour les encensements. En avant de l’autel, entre le bas-chœur et le sanctuaire, était placé

  1. Rational, lib. I, cap. III.
  2. Donc il n’y avait pas de dossiers fixes.
  3. Lib VI, cap. LXXXX.
  4. Donc il n’en existait pas à demeure.