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[chéneau]
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d’incruster des corbeaux de pierre au sommet des murs de face, et sur les corbeaux ils posèrent une pièce de bois évidée et inclinée formant gargouille à l’un des bouts. La fig. 6 expliquera cette disposition naïve[1].

Ces chéneaux s’appliquent à des maisons dont les égouts des toits sont sur la rue ; mais si les pignons donnaient sur la voie publique, ainsi que cela fut pratiqué généralement à dater du XIVe siècle, les chéneaux étaient disposés perpendiculairement à la rue. À cette époque, rarement les maisons avaient-elles des murs mitoyens ; chaque maison possédait ses quatre murs en propre, et il existait entre elles une petite ruelle très-étroite (voy. Maison). Chaque habitation avait donc ses chéneaux particuliers, qui, le plus souvent, étaient formés d’un tronc d’arbre creusé, dépassant le pignon et formant gargouille, ainsi que l’indique la fig. 7.

Ces chéneaux de bois étaient quelquefois moulurés, sculptés même, et peints de diverses couleurs, l’art intervenant toujours dans l’ensemble comme dans les détails des constructions les plus vulgaires. Ces dispositions de chéneaux appliquées aux habitations n’étaient pas les seules. Dans les pays riches en matériaux calcaires, comme la Bourgogne, la Haute-Marne et l’Oise, on employa les chéneaux de pierre de préférence à ceux en bois, et ces chéneaux de pierre sont posés de façon à éviter toute fuite par les joints le long des parements : d’abord ils sont toujours posés en saillie, afin que le comble vienne couvrir la tête des murs et la préserver de toute humidité ; puis des corbeaux incrustés dans le mur, sous chaque joint du chéneau, sont creusés en forme de gargouille ; si donc ces joints venaient à s’ouvrir ou à perdre le ciment qui les soudait, l’eau tombait dans la gargouille-corbeau et était rejetée en dehors loin des parements. La fig. 8 nous dispensera de plus longues explications à ce sujet.

On voit à Chaumont (Haute-Marne) beaucoup de maisons dont les chéneaux sont ainsi disposés, et cet usage a persisté jusqu’à nos jours.

  1. Exemple tiré des maisons de Flavigny (Côte-d’Or).