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[château]
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achève la transition entre la demeure seigneuriale du moyen âge et le château moderne, celui de Louis XIII et de Louis XIV. Il bâtit Chambord et Madrid. Le premier de ces deux palais conserve encore l’empreinte du château féodal ; le second n’est qu’une demeure de plaisance, dans laquelle on ne trouve plus trace des anciennes traditions. Quoique nous ne soyons pas un admirateur passionné du château de Chambord, il s’en faut de beaucoup, cependant nous ne pouvons le passer sous silence ; il doit naturellement clore cet article. Nous en donnons ici le plan (38)[1].

Il n’est personne en France qui n’ait vu cette singulière résidence. Vantée par les uns comme l’expression la plus complète de l’art de l’architecture au moment de la renaissance, dénigrée par les autres comme une fantaisie bizarre, un caprice colossal, une œuvre qui n’a ni sens ni raison, nous ne discuterons pas ici son mérite ; nous prendrons le château de Chambord pour ce qu’il est, comme un essai dans lequel on a cherché à réunir deux programmes sortis de deux principes opposés, à fondre en un seul édifice le château fortifié du moyen âge et le palais de plaisance. Nous accordons que la tentative était absurde ; mais la renaissance française est, à son début, dans les lettres, les sciences ou les arts, pleine de ces hésitations ; elle ne marche en avant qu’en jetant parfois un regard de regret derrière elle ; elle veut s’affranchir du passé et n’ose rompre avec la tradition ; le vêtement gothique lui paraît usé, et elle n’en a pas encore un autre pour le remplacer.

Le château de Chambord est bâti au milieu d’un territoire favorable à la chasse, entouré de bois couvrant une plaine agreste ; éloigné des villes,

  1. À l’échelle d’un demi-millimètre pour mètre.