Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 3.djvu/161

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[château]
— 158 —

courtines sont bien flanquées par des tours saillantes et rapprochées, les rondes peuvent se faire de plain-pied tout autour du château à la partie supérieure sans être obligé de descendre des tours sur les courtines et de remonter de celles-ci dans les tours, ainsi que l’on était forcé de le faire dans les châteaux des XIIe et XIIIe siècles. On remarquera qu’aucune meurtrière n’est percée à la base des tours. Ce sont les crénelages des murs extérieurs des lices qui seuls défendaient les approches. La garnison, forcée dans cette première enceinte, se réfugiait dans le château, et, occupant les étages supérieurs, bien couverts par de bons parapets, écrasait les assaillants qui tentaient de s’approcher du pied des remparts.

Bertrand Du Guesclin avait attaqué quantité de châteaux bâtis pendant les XIIe et XIIIe siècles, et profitant du côté faible des dispositions défensives de ces places fortes, il faisait, le plus souvent, appliquer des échelles le long des courtines basses des châteaux de cette époque, en ayant le soin d’éloigner les défenseurs par une grèle de projectiles ; il brusquait l’assaut et prenait les places autant par échelades que par les moyens lents de la mine et de la sape.

Nous avons indiqué, dans les notes sur la description du Louvre de Guillaume de Lorris, comment la défense des anciens châteaux des XIIe et XIIIe siècles exigeait un grand nombre de postes divisés, se défiant les uns des autres et se gardant séparément. Ce mode de défense était bon contre des troupes n’agissant pas avec ensemble, et procédant, après un investissement préalable, par une succession de sièges partiels ou par surprise ; il était mauvais contre des armées disciplinées entraînées par un chef habile qui, abandonnant les voies suivies jusqu’alors, faisait sur un point un grand effort, enlevait les postes isolés sans leur laisser le temps de se reconnaître et de se servir de tous les détours et obstacles accumulés dans la construction des forteresses. Pour se bien défendre dans un château du XIIIe siècle, il fallait que la garnison n’oubliât pas un instant de profiter de tous les détails infinis de la fortification. La moindre erreur ou négligence rendait ces obstacles non-seulement inutiles, mais même nuisibles aux défenseurs ; et dans un assaut brusqué, dirigé avec énergie, une garnison perdait ses moyens de résistance à cause même de la quantité d’obstacles qui l’empêchaient de se porter en masses sur un point attaqué. Les défenseurs, obligés de monter et de descendre sans cesse, d’ouvrir et de fermer quantité de portes, de filer un à un dans de longs couloirs et des passages étroits, trouvaient la place emportée avant d’avoir pu faire usage de toutes leurs ressources. Cette expérience profita certainement aux constructeurs de forteresses à la fin du XIVe siècle ; ils élevèrent les courtines pour se garantir des échelades, n’ouvrirent plus de meurtrières dans les parties basses des ouvrages, mais les renforcèrent par des talus qui avaient en outre l’avantage de faire ricocher les projectiles tombant des machicoulis ; ils mirent les chemins de ronde et courtines en communication directe, afin de présenter, au sommet de la fortification, une ceinture non-interrompue de défenseurs pouvant facilement se rassembler en