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à plus grant peine entretenir ne parfaire. Encores y a pis que ceste négligence. Car avec la petite voulenté de plusieurs se treuve souvent une si grant arrogance que ceulx qui ne sçauroient riens conduire par eux, ne vouldroyent armes porter soubz autruy ; et tiennent à deshonneur estre subgects à celuy soubz qui leur puet venir la renommée d’honneur, que par eulx ils ne vouldroyent de acquerir. O arrogance aveugle de folie, et petite congnoissance de vertus ! O très-périlleuse erreur en faits d’armes et de batailles ! Par ta malediction sont desconfites et desordonnées les puissances, et les armes desjoinctes et divisées ; quant chascun veult croire son sens, et suyvre son opinion. Et pour soy cuyder equiparer aux meilleurs, font souvent telles faultes, dont ilz sont deprimez soubz tous les moindres… En mémoire me vient, que j’ai souvent à plusieurs ouy dire : « Je n’iroye pour riens soubz le panon de tel. Car mon père ne fu onques soubz le sien. » Et ceste parolle n’est pas assez pesée, avant que dicte. Car les lignaiges ne font pas les chiefz de guerre, mais ceulx à qui Dieu, leurs sens, ou leurs vaillances, et l’auctorité du Prince en donnent la grâce, doivent estre pour telz obeitz : laquelle obéissance n’est mie rendue à personne, mais à l’office et à l’ordre d’armes (grade) et discipline de chevalerie, que chascun noble doit preferer à tout aultre honneur… »

Cette noblesse indisciplinée qui n’avait guère conservé de l’ancienne féodalité que son orgueil, qui fuyait en partie à la journée d’Azincourt, corrompue, habituée au luxe, aimait mieux se renfermer dans de bonnes forteresses, élégamment bâties et meublées ; que de tenir la campagne :

« Les bons anciens batailleurs,


dit encore Alain Chartier dans ses vers pleins d’énergie et de droiture de cœur[1],

« Furent-ilz mignotz, sommeilleurs,
« Diffameurs, desloyaulx, pilleurs ?
« Certes nenny.
« Ilz estoient bons, et tous uny.
« Pourquoy est le monde honny,
« Et sera encores comme ny
« A secouru.
« Car honneur a bien peu couru,
« Et n’y a on point recouru.
« Puisque le bon Bertran (Duguesclin) mouru.
« On a gueuchié
« Aux coups, et de costé penchié.
« Prouffit a honneur devanchié.
« On n’a point les bons avanchié.
« Mais mignotise,
« Flaterie, oultrage, faintise,
« Vilain cueur paré de cointise,

  1. Le Livre des quatre Dames, édit. de 1617, p. 665.