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absidales de l’église abbatiale de Saint-Denis faisaient exception à cette règle ; leurs autels étaient tous posés perpendiculairement au rayon partant du centre du sanctuaire et formant l’axe de chacune des chapelles. Dans les grandes églises de l’ordre de Cluny et dans les cathédrales de l’Oise citées plus haut, bâties vers le milieu du XIIe siècle, les chapelles absidales sont semi-circulaires ; elles sont carrées dans les églises de l’ordre de Cîteaux. À Clairvaux, à Pontigny, c’est un parti franchement adopté, et qui nous paraît commandé par la règle de cet ordre, qui voulait que les constructions monastiques se renfermassent dans les données les plus simples. En effet, les chapelles circulaires entraînent des dépenses importantes, parce qu’elles compliquent les constructions, nécessitent des développements considérables de murs, exigent une main-d’œuvre dispendieuse, des couvertures difficiles à exécuter, des pénétrations, des coupes particulières, et, par suite, un grand détail de précautions. Les chapelles carrées, au contraire, ne font qu’ajouter une précinction au bas-côté, ne demandent qu’un mur de clôture très-simple et des couvertures qui ne sont que le prolongement de celles du collatéral de l’abside ; les contre-forts nécessaires à la buttée des voûtes supérieures leur servent de murs de séparation ; les voûtes composées de deux arcs ogives se construisent plus économiquement que les voûtes couvrant une surface semi-circulaire, une seule fenêtre les éclaire au lieu de deux. Ces chapelles carrées ne sont donc réellement qu’un second bas-côté divisé par des murs de refend construits suivant les rayons partant du point centre du sanctuaire[1].

Les constructeurs de l’église de Pontigny (Yonne) voulurent cependant, tout en se conformant à cette donnée de l’ordre, faire une concession au goût du temps. Le chœur de cette église abbatiale, élevé pendant les dernières années du XIIe siècle, conserve le principe des chapelles absidales carrées à l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur ces chapelles sont plantées sur un polygone irrégulier.

Voici (32) le plan d’une de ces chapelles. La couverture ne tient pas compte de cette forme polygonale ; elle passe uniformément sur toutes, laissant seulement les souches des arcs-boutants percer l’appentis. Nous devons reconnaître toutefois qu’il y eut de l’indécision dans la façon de couvrir les chapelles absidales de l’église de Pontigny, car les filets solins des combles, ménagés sur les flancs des souches des arcs-boutants, ne suivent pas la direction de ces combles, et donnent à croire qu’on avait voulu faire, soit des combles brisés, soit un appentis sur le bas-côté, pénétré par des combles à double pente avec pignon sur chacune des chapelles. Ces tâtonnements, quant à la manière de couvrir les chapelles absidales des églises monastiques, ne sont pas seulement apparents à Pontigny. Il y avait là une difficulté qui, évidemment, embarrassa longtemps les architectes des grandes églises d’abbayes pendant les XIe et XIIe siècles. On

  1. Voir le plan de l’abbaye de Clairvaux, Architecture monastique, fig. 6.