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des paroisses, aux édicules annexés aux grandes églises cathédrales, conventuelles ou paroissiales, et contenant un autel, et même la cuve baptismale ; aux oratoires élevés dans l’enceinte des cimetières, sur un emplacement sanctifié par un miracle ou par la présence d’un saint.

Nous diviserons donc cet article 1o en chapelles (saintes) ; 2o chapelles ou oratoires de châteaux, d’évêchés ; 3o isolées, des morts, votives ; 4o annexes d’églises ; 5o chapelles faisant partie des églises, et renfermées dans leur périmètre.

Chapelles (saintes). Dès les premiers siècles du christianisme, on avait élevé un grand nombre d’oratoires sur les emplacements témoins du martyre des saints. Ces oratoires se composaient le plus souvent d’une crypte avec petite église au-dessus. « Lorsque les saincts Denis, Rustic, et Eleuthère, souffrirent le martyre, dit Dubreul[1], une bonne dame chrétienne nommée Catulle, demeuroit en un village, que l’on surnommoit de son nom : laquelle ensevelit et enterra les corps des susnommés martyrs en une petite chapelle (au-bas de la butte Montmartre), jusques en laquelle (par grand mirâcle) sainct Denys avoit apporté sa teste entre ses bras, après que l’on la luy eust tranchée, laquelle (chapelle) fut rebastie du temps de saincte Geneviefve… Cette chapelle est double, sçavoir la plus petite qui est presque dans terre, et l’autre plus grande qui est érigée au dessus d’icelle. Mais au dessoubs de tout ce bastiment il y avoit encore une chapelle ou cave sousterraine, qui toutefois a demeurée incogneüe à nos pères jusques en l’an 1611… »

Cette disposition de chapelle double en hauteur demeure traditionnelle pendant les premiers siècles du moyen âge. Nous la voyons conservée encore dans la célèbre Sainte-Chapelle du Palais bâtie par saint Louis à Paris ; mais ce n’était pas avec l’intention de consacrer la chapelle inférieure au dépôt des reliques. Au contraire, à Paris, c’est dans la chapelle haute que la couronne d’épines, les morceaux de la vraie croix et les saintes reliques recueillies par Louis IX furent déposés ; la chapelle basse était réservée aux familiers du palais et au public ; elle servit aussi de sépulture aux chanoines. De toutes les chapelles palatines qui existaient en France, celle de Paris est aujourd’hui la plus complète et l’une des plus anciennes. Elle fut commencée en 1242 ou 1245 et terminée en 1247, sur l’emplacement de deux oratoires, l’un bâti en 1154 en l’honneur de Notre-Dame, l’autre bâti en 1160 sous le titre de Saint-Nicolas. Jérôme Morand[2] prétend que c’est pour rappeler ces deux fondations que la Sainte-Chapelle actuelle est double. Nous voyons là plutôt l’influence de traditions antérieures, comme nous l’avons dit, et surtout une nécessité commandée par la disposition même du palais. Ainsi, la chapelle haute communiquait de

    Chartarum Regiarum, ut vocant, thesaurus, in Sacra Capella Parisiensi etiamnum asservatur. » (Ibid.)

  1. Dubreul, liv. IV, p. 1152. Édit de 1612.
  2. Hist. de la Sainte-Chapelle roy., par Jérôme Marand, chanoine ; Paris, 1790.