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Nous ne saurions donner à nos lecteurs des chaires dont la construction remonterait aux XIIIe et XIVe siècles, par la raison qu’il n’y en avait point alors dans les églises se rapprochant de la forme adoptée depuis le XVIe siècle. Ce meuble est cependant aujourd’hui indispensable, et si les architectes des XIIe et XIIIe siècles eussent dû exécuter des chaires, ils leur auraient certainement donné des formes parfaitement en harmonie avec leur destination et les matériaux employés, marbre, pierre, métal ou bois. En l’absence de tout document, nous croyons devoir nous abstenir, laissant à chacun le soin de satisfaire à ce nouveau programme.

CHAIRE, s. f. Siège épiscopal (cathedra). Dans les églises primitives, le siège de l’évêque était placé au fond de l’abside, derrière l’autel (voy. Cathédrale). Cette disposition existe encore dans quelques basiliques italiennes ; on la retrouve conservée dans la cathédrale de Lyon, le sanctuaire étant fermé et dépourvu de collatéraux. Le siège de l’abbé, dans les églises abbatiales antérieures au XIIe siècle, était placé de la même manière. Ces chaires étaient généralement fixes (c’est pourquoi nous nous en occupons ici), en marbre, en métal, en pierre ou en bois, et se reliaient à des bancs ou stalles disposés de chaque côté le long des murs de l’abside. Nous possédons encore en France quelques exemples, en petit nombre, de ces meubles fixes tenant à la disposition architectonique du sanctuaire ; seulement ils ont été déplacés. Nous avons vu encore en Allemagne une de ces chaires absidales en pierre, demeurée en place, quoique mutilée, dans la cathédrale d’Augsbourg. Le style de ce monument, fort ancien[1], n’est pas tellement particulier au pays d’outre-Rhin que nous ne puissions le considérer comme appartenant à l’époque carlovingienne d’Occident.

Nous croyons donc devoir donner cette chaire (1), l’un des plus anciens meubles fixes que possède l’architecture romane du Nord. Sa forme se rapproche beaucoup de celle des chaises antiques que possèdent les musées d’Italie et de France.

Dans la sacristie de l’église de l’ancien prieuré de Saint-Vigor près Bayeux, il existe une chaire en marbre rouge autrefois placée au fond du sanctuaire. Le nouvel évêque venait s’asseoir dans cette chaire la veille de son entrée à Bayeux. De là, le prélat, avant son intronisation, donnait sa première bénédiction au peuple, revêtu de ses habits pontificaux[2], puis s’acheminait à cheval, processionnellement, vers la ville.

On voit dans l’église Notre-Dame-des-Dons, cathédrale d’Avignon, la chaire en marbre blanc veiné qui était autrefois fixée au fond du sanctuaire ; elle est aujourd’hui posée à la droite de l’autel, et sert encore,

  1. Nous le croyons du IXe siècle. Le siège, son appui et son socle sont sculptés dans un seul bloc ; les lions tiennent des rouleau dans leurs pattes de devant.
  2. Voir le Bullet. monument., pub. par M. de Caumont, 1847, p. 528.