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ment, et destinés à empêcher les écartements, la dislocation des constructions en maçonnerie.

Les Romains et, même avant eux, les Grecs avaient l’habitude, lorsqu’ils construisaient en assises de pierres de taille ou de marbre, de relier les assises entre elles par de gros goujons de fer, de bronze ou même de bois, et les blocs entre eux par des crampons ou des queues d’aronde. Mais les Grecs et les Romains posaient les blocs de pierre taillés à côté les uns des autres et les uns sur les autres sans mortier (voy. Joint, Lit). Le mortier n’était employé, chez les Romains, que pour les blocages, les ouvrages de moellon ou de brique, jamais avec la pierre de taille.

Dès l’époque mérovingienne, on avait adopté une construction mixte, qui n’était plus le moellon smillé des Romains et qui n’était pas l’ouvrage antique en pierre de taille : c’était une sorte de grossier blocage revêtu de parements de carreaux de pierre assez mal taillés et réunis entre eux par des couches épaisses de mortier (voy. Construction).

Du temps de César, les Gaulois posaient, dans l’épaisseur de leurs murailles de défense, des longrines et des traverses de bois assemblées entre les rangs de pierre. Peut-être cet usage avait-il laissé des traces même après l’introduction des arts romains dans les Gaules. Ce que nous pouvons donner comme certain, c’est que l’on trouve, dans presque toutes les constructions mérovingiennes et carlovingiennes, des pièces de bois noyées longitudinalement dans l’épaisseur des murs, en élévation et même en fondation[1]. Ces pièces de bois présentent un équarrissage qui varie de 0,12 c. 0,12 c. à 0,20 c. 0,20 c.

Jusqu’à la fin du XIIe siècle, cette habitude persiste, et ces chaînages sont posés, comme nos chaînages modernes, à la hauteur des bandeaux indiquant des étages, à la naissance des voûtes et au-dessous des couronnements supérieurs. Les travaux de restauration que nous eûmes l’occasion de faire exécuter dans des édifices des XIe et XIIe siècles nous ont permis de retrouver un grand nombre de ces chaînages en bois, assez bien conservés pour ne pas laisser douter de leur emploi. Dans la nef de l’église abbatiale de Vézelay, qui date de la fin du XIe siècle, il existe un premier chaînage de bois au-dessus des archivoltes donnant dans les collatéraux, et un second chaînage, interrompu par les fenêtres hautes, au niveau du dessus des tailloirs des chapiteaux à la naissance des grandes voûtes. Ce second chaînage de bois offre cette particularité qu’il sert d’attache à des crampons en fer destinés à recevoir des tirants transversaux d’un mur de la nef à l’autre à la base des arcs doubleaux. Ces tirants étaient-ils destinés à demeurer toujours en place pour éviter l’écartement des grandes voûtes ? nous ne le pensons pas. Il est à croire qu’ils ne devaient rester posés que pendant la construction, jusqu’à ce que les murs

  1. Il n’est pas besoin de dire que le bois a disparu, et se trouve réduit en poussière ; mais son moule existe dans les maçonneries. Le bois, totalement privé d’air et entouré de l’humidité permanente de la maçonnerie, est bientôt pourri.