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même monastiques, conservent quelque chose du morcellement de la Divinité antique. En voyant les nombreuses sculptures romanes qui décorent nos monuments occidentaux, on ne sait trop comment rattacher ces imageries à une idée commune. Les traditions locales, le saint vénéré, les tendances ou l’histoire des populations, dirigent le sculpteur. L’Ancien et le Nouveau Testament se mêlent aux légendes. Si nous nous trouvons dans une église clunisienne, saint Antoine, saint Benoît, l’archange saint Michel jouent un rôle important dans l’iconographie ; on retrouve ces personnages partout, en dedans et en dehors, sans qu’il soit possible d’assigner un ordre hiérarchique à ces représentations. Tout cela est entremêlé de figures d’animaux bizarres, et nous ne croyons pas que la symbolique romane puisse jamais être claire pour nous, puisque saint Bernard lui-même traitait la plupart de ces sculptures de monstruosités païennes. Admettant, si l’on veut, que la fantaisie de l’imagier n’ait pas été pour beaucoup dans le choix des sujets, toujours est-il que chaque église, sauf certaines représentations invariables, possède son iconographie propre.

Avec la cathédrale de la fin du XIIe siècle, surgit l’iconographie méthodique ; et, pour en revenir à notre comparaison musicale, chaque sculpteur, en faisant sa partie, concourt à l’ensemble harmonique ; il est astreint à certaines lois dont il ne s’écarte pas, comme pour laisser à la symphonie sa parfaite unité.

Beaucoup d’églises cathédrales, avant cette grande époque de l’art français, se composaient de plusieurs églises et oratoires. Comme premier pas vers l’unité, les évêques qui reconstruisent ces monuments, aux XIIe et XIIIe siècles, englobent ces églises et ces chapelles dans la grande construction ; puis ils adoptent une iconographie dont nous allons essayer de présenter sommairement le vaste et magnifique tableau. Disons d’abord que les cathédrales qui nous donnent un ensemble de sculptures à peu près complet sont les cathédrales de Paris, de Reims, d’Amiens et de Chartres, toutes les quatre dédiées à la sainte Vierge.

Trois portes s’ouvrent à la base de la façade occidentale. Sur le trumeau de la porte centrale est placé, debout, et bénissant de la droite, tenant l’Évangile de la main gauche, le Christ homme[1] ; ses pieds reposent sur le dragon. Les douze apôtres sont rangés des deux côtés contre les ébrasements[2]. Sur le socle du Christ est la figure de David[3], ou les prophètes qui ont annoncé sa naissance, et les arts libéraux[4] en bas-relief. Sous les apôtres sont sculptés, en bas-relief, les vertus et les vices, chaque vertu placée au-dessus du vice contraire[5]. Les quatre signes des évangé-

  1. Paris, Amiens, Chartres, portail méridional ; Reims, portail septentrional.
  2. Idem.
  3. Amiens.
  4. Paris.
  5. Paris, Amiens. À Chartres, les vertus et les vices sont sculptés sur les piles du porche méridional.