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vernis, d’une sorte d’enveloppe qui les rend supportables ; on appellera cela le goût si l’on veut. On arrive promptement à l’abus, et l’abus persiste parce qu’on le rend presque toujours séduisant.

L’architecture française était en chemin, dès le milieu du XIIIe siècle, de franchir en peu de temps les limites du possible ; cependant on s’arrête aux hardiesses, on n’atteint pas l’extravagance. L’architecte du chœur de la cathédrale de Beauvais, si ce monument eût été exécuté avec soin, fût arrivé, cinquante ans après l’inauguration de l’art ogival, à produire tout ce que cet art peut produire ; il est à croire que les fautes qu’il commit dans l’exécution arrêtèrent l’élan de ses confrères : il y eut réaction ; à partir de ce moment, l’imagination cède le pas aux calculs, et les constructions religieuses qui s’élèvent à la fin du XIIIe siècle sont l’expression d’un art arrivé à sa maturité, basé sur l’expérience et le raisonnement, et qui n’a plus rien à trouver.

Mais avant de donner des exemples de ces derniers monuments, nous ne pouvons omettre de parler de certaines cathédrales qui doivent être classées à part.

Nous avons d’abord fait connaître les édifices de premier ordre élevés pendant une période de soixante ans environ, pour satisfaire aux besoins nouveaux du clergé et des populations, dans des villes riches, et au moyen de ressources considérables. Mais si l’entraînement qui portait les évêques à rebâtir leurs cathédrales était le même sur toute la surface du domaine royal et des provinces les plus voisines, les ressources n’étaient pas, à beaucoup près, égales dans tous les diocèses. Pendant que Reims, Chartres et Amiens élevaient leur église mère sur de vastes plans, après en avoir assuré la durée par des travaux préliminaires exécutés avec un grand luxe de précautions, d’autres diocèses, entourés de populations moins favorisées, moins riches, en se laissant entraîner dans le mouvement irrésistible de cette époque, ne pouvaient réunir des sommes en rapport avec la grandeur des entreprises, quelle que fût d’ailleurs la bonne volonté des fidèles.

De ce besoin de construire des églises vastes avec des moyens insuffisants, il résultait des édifices qui ne pouvaient présenter des garanties de durée. Pour pouvoir élever, au moins partiellement, les constructions sans épuiser toutes les ressources disponibles dès les premiers travaux, on se passait de fondations, ou bien on les établissait avec tant de parcimonie, qu’elles n’offraient aucune stabilité. Lorsqu’on a vu comme sont fondées les cathédrales de Paris, de Reims, de Chartres ou d’Amiens, on ne peut admettre que les maîtres des œuvres des XIIe et XIIIe siècles ne fussent pas experts dans la connaissance de ces éléments de la construction. Mais tel

    qu’on peut tirer quelque chose de l’architecture française du XIIIe siècle, et lorsque nous engageons les jeunes architectes à l’étudier, pour combattre cette opinion et ce désir, que nous ne nous habillons plus comme du temps de Philippe-Auguste. Est-ce que nos habits se rapprochent davantage du costume romain que de celui de Louis XIV ?