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on commençait la construction du chœur de la cathédrale de Cologne[1] ; en 1322, ce chœur était consacré. On a prétendu que les projets primitifs de la cathédrale de Cologne avaient été rigoureusement suivis lors de la continuation de ce vaste édifice ; si cette conjecture n’est pas admissible dans l’exécution des détails architectoniques, nous la croyons fondée en ce qui touche aux dispositions générales.

Voici le plan de cette cathédrale (24)[2]. Si nous comparons ce plan avec ceux d’Amiens et de Beauvais, nous voyons entre eux trois un degré de parenté incontestable ; non-seulement les dispositions, mais les dimensions sont à peu de chose près les mêmes. À Amiens, si ce n’est la chapelle de la Vierge qui fait exception, nous voyons le chœur composé de quatre travées parallèles comme à Cologne ; dans l’une et l’autre église, les bas-côtés sont doubles en avant des chapelles absidales ; ils se retournent dans les transsepts. La différence la plus remarquable entre ces deux édifices consiste dans les transsepts et la nef. La nef du dôme de Cologne possède quatre collatéraux ; celle de la cathédrale d’Amiens n’en possède que deux. Les transsepts, à Cologne, se composent de quatre travées chacun, ceux d’Amiens n’en ont que trois. À Beauvais, la nef du XIIIe siècle devait-elle avoir quatre bas-côtés ? c’est ce que nous ne pourrions affirmer ; mais le plan des chapelles absidales de Cologne semble calqué sur celui de Beauvais. Cependant l’architecte du dôme de Cologne avait élargi ses bas-côtés et donné plus de force aux contreforts extérieurs ; il s’était écarté de la règle suivie à Amiens et à Beauvais, pour le tracé de la grande voûte du rond-point ; il avait su éviter les témérités qui causèrent la ruine du chœur de Beauvais ; si ses élévations et ses coupes se rapprochent de celles d’Amiens, elles s’éloignent de celles de Beauvais. De ces trois chœurs élevés en même temps, ou peut s’en faut, celui de Cologne est certainement le moins ancien ; et le maître de l’œuvre de ce dernier monument sut profiter des belles dispositions adoptées à Beauvais et à Amiens, en évitant les défauts dans lesquels ses deux devanciers étaient tombés. Mais, nous devons le dire, malgré la perfection d’exécution du chœur de la cathédrale de Cologne, malgré la science pratique déployée par le constructeur de cet édifice, dans lequel il ne se manifesta aucun mouvement sérieux, la conception du chœur de Beauvais nous paraît supérieure. Si l’architecte du chœur de Beauvais avait pu disposer de moyens assez puissants, de matériaux d’un fort volume ; s’il n’eût pas été contraint, par le manque évident de ressources financières, d’employer des procédés trop au-dessous de l’œuvre projetée ; s’il n’eût pas été gêné par l’emplacement trop étroit qui lui était donné, il eût accompli une œuvre incomparable ; car ce n’est pas par la théorie que pèche la construction du

  1. Voyez l’excellente Notice de M. Félix de Verneilh sur la cathédrale de Cologne, dans les Annales archéologiques de M. Didron, tirée à part ; 1848. (Librairie archéol. de M. V. Didron.)
  2. Comme tous les autres, ce plan est à l’échelle de 0,001m pour mètre.