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milieu du XIIe siècle jusqu’au commencement du XIIIe[1], une sorte d’incertitude ; les plans de ces cathédrales françaises sont comme autant d’essais subissant l’influence de programmes variés. On élève des cathédrales nouvelles plus vastes que les églises romanes, pour suivre le mouvement qui s’était si bien prononcé pendant les règnes de Louis le Jeune et de Philippe-Auguste ; mais la cathédrale type n’est pas encore sortie de terre. Nous allons la voir naître définitivement et arriver, en quelques années, à sa perfection.

À la suite d’un incendie qui détruisit de fond en comble la cathédrale de Chartres, en 1020, l’évêque Fulbert voulut reconstruire son église. Les travaux furent continués par ses successeurs à de longs intervalles. En 1145, les deux clochers de la façade occidentale, que nous voyons encore aujourd’hui, étaient en pleine construction. En 1194, un nouvel incendie ruina l’édifice de Fulbert à peine achevé. Les parties inférieures de la façade occidentale, le clocher vieux terminé et la souche du clocher neuf resté en construction échappèrent à la destruction. Sur les débris encore fumants de la cathédrale, Mélior, cardinal-légat du pape Célestin III, fit assembler le clergé et le peuple de Chartres, et, à la suite de ses exhortations, tous se mirent à l’œuvre pour reconstruire, sur un nouveau plan, l’ancienne église de Notre-Dame[2]. L’évêque Reghault de Mouçon et les chanoines abandonnèrent le produit total de leurs revenus et de leurs prébendes pendant trois années.

…. borjois et rente et mueble
Abandonèrent en aie
Chascun selon sa menantie[3].

Philippe-Auguste, Louis VIII et saint Louis contribuèrent par leurs dons à l’érection de la vaste église.

Déjà, en 1220, Guillaume le Breton parle de ses voûtes « que l’on peut comparer, dit-il, à une écaille de tortue, » et qui sont assez solides pour défier les incendies à venir.

La fig. 11 donne le plan de la cathédrale de Chartres. Ici, l’influence religieuse paraît tout entière. Trois grandes chapelles à l’abside, quatre autres moins prononcées entre elles, doubles bas-côtés d’une grande largeur ; autour du chœur, vastes transsepts. Là, le culte peut déployer toutes ses pompes ; le chœur, plus qu’à Paris, plus qu’à Bourges, plus qu’à Soissons et à Laon surtout, est l’objet principal ; c’est pour lui que l’église est faite. Il faut supposer que l’église de Fulbert était très-vaste déjà, car les cryptes

  1. Nous comprenons la cathédrale de Bourges dans cette période, parce qu’il y a lieu de présumer, en examinant son plan, que les architectes du XIIIe siècle qui la construisirent exécutèrent un projet antérieur, peut-être celui qui avait été conçu dans la seconde moitié du XIIe siècle.
  2. Descript. de la cathéd. de Chartres, par l’abbé Bulteau, 1850.
  3. Poëme des Miracles, p. 27. (Jehan le Marchant.)