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table… De son propre mouvement, l’évêque de Noyon convoqua en assemblée tous les habitants de la ville, clercs, chevaliers, commerçants et gens de métier. Il leur présenta une charte qui constituait le corps des bourgeois en association perpétuelle, sous des magistrats appelés jurés, comme ceux de Cambrai… »

M. Vitet a donc raison de dire[1] que « lorsque Beaudoin II entreprit la reconstruction de sa cathédrale, il existait à Noyon une commune depuis longtemps établie, et consacrée par une paisible jouissance, mais placée en quelque sorte sous la tutelle de l’évêque. »

Aussi la cathédrale de Noyon présente-t-elle le plan d’un édifice religieux : abside avec chapelles, transsepts avec croisillons arrondis. Là, le clergé est resté le directeur de l’œuvre, il n’a besoin de faire aucune concession ; il n’a pas eu recours, non plus que la commune, lorsqu’il commença l’œuvre, à l’intervention du pouvoir royal. Il entre dans la cathédrale de Noyon moins d’éléments laïques que dans celle de Senlis, par exemple, construite en même temps, et où l’ogive domine sans partage. Mais la cathédrale de Noyon est de près de cinquante années antérieure à celle de Laon ; il n’est pas surprenant, objectera-t-on, que son plan se rapproche davantage des traditions cléricales ; cela est vrai. Cependant, nous avons vu le plan de la cathédrale de Bourges, contemporaine de celle de Laon, où la tradition cléricale est encore conservée ; nous verrons tout à l’heure le plan de la cathédrale de Chartres, où, plus qu’à Bourges encore, les données religieuses de l’architecture romane sont observées. Laon, au contraire, possède un plan dont le caractère est tranché ; il a fallu faire une large part aux idées laïques. Peut-être voudra-t-on prétendre encore que les évêques de Laon, ayant eu de fréquents rapports avec l’Angleterre, leur cathédrale aurait pris la disposition carrée du plan de l’abside aux monuments de ce pays ; l’observation ne saurait être admise, par la raison que les absides carrées anglaises sont postérieures à celle de la cathédrale de Laon ; le chœur de la cathédrale de Cantorbéry, qui date du XIIe siècle, est circulaire ; les absides carrées d’Ély, de Lincoln, ne sont pas antérieures à 1230.

Ce n’est pas seulement cette abside carrée qui nous frappe dans le plan de la cathédrale de Laon (fig. 9), c’est encore la disposition des collatéraux avec galeries supérieures voûtées, comme à Notre-Dame de Paris, comme à Noyon, comme à la cathédrale de Meaux dans l’origine ; c’est la place qu’occupent les chapelles circulaires des transsepts, chapelles à deux étages ; c’est la présence de quatre tours aux quatre angles des deux croisillons et d’une tour carrée sur les piles de la croisée ; c’est cette grande et belle salle capitulaire qui s’ouvre au sud des premières travées de la nef ; ce sont ces deux salles, trésors et sacristies, qui avoisinent le chœur et sont réservées entre les collatéraux et les chapelles circulaires. On voit en tout ceci un plan conçu et exécuté d’un seul jet, une disposition

  1. Monog. de la cathéd. de Noyon.