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travée modifiée pendant le cours du XIIIe siècle. La coupe fait voir avec quel soin le poids des constructions était réparti sur les piles, et combien déjà, à cette époque, les constructeurs cherchaient à éviter les murs. En effet, sous l’appui des grandes fenêtres A du triforium, faites pour être vues de la nef, sont ménagés des arcs de décharge.

La tradition de la construction romane est donc déjà complètement abandonnée dans la cathédrale de Paris de la fin du XIIe siècle ; il n’y a plus que des piles et des arcs. Le système de la construction ogivale est franchement écrit dans ce remarquable monument.

Malheureusement, cette église reçut très-promptement d’importantes modifications qui sont venues en altérer le caractère si simple et grandiose. De 1235 à 1240[1] un incendie, dont l’histoire ne fait nulle mention, mais dont les traces sont visibles sur le monument, détruisit les charpentes supérieures et les combles E du triforium de la cathédrale (voyez la coupe transversale fig. 2 et la coupe longitudinale fig. 4) ; les meneaux des roses J furent calcinés ainsi que leurs claveaux et les bahuts O du grand comble. Il est probable que la seconde volée I des arcs-boutants et les voûtes du triforium furent endommagées.

Déjà, à cette époque, d’autres cathédrales avaient été élevées, et on les avait percées de fenêtres plus grandes, garnies de brillants vitraux ; cette décoration prenait chaque jour plus d’importance. Au lieu de réparer le dommage survenu aux constructions de Notre-Dame de Paris, on en profita pour supprimer les roses J percées au-dessus du triforium, faire descendre les fenêtres hautes, en sapant leurs appuis jusqu’au point P (voyez la coupe fig. 2, la face extérieure fig. 3 et la coupe fig. 4) ; on enleva le chéneau D, on démolit les arcs-boutants H I à double volée ; on descendit le chéneau D au niveau R, on abaissa les triangles S des voûtes ; on fit sur ces voûtes un dallage à double pente ; les grandes fenêtres A de la galerie furent coupées, ainsi qu’il est indiqué en Q, fig. 3 ; et, n’osant plus laisser isolées les piles K, fig. 2, qui ne se trouvaient plus suffisamment étrésillonnées par les couronnements D abaissés, on établit de grands arcs-boutants à une seule volée de T en V. Les arcs-boutants sous-comble L, détruits par le feu, furent supprimés, et les arcs-boutants M restèrent seuls en place dans une situation anormale, car ils étaient trop hauts pour contrebutter les voûtes du triforium seulement. Les corniches et les couronnements supérieurs X furent refaits, les pinacles Z changés. Les fenêtres hautes, agrandies, furent garnies de meneaux (fig. 3 et 4) très-simples, dont la forme et la sculpture nous donnent précisément l’époque de ce travail. À peine cette opération était-elle terminée à la hâte (car l’examen des constructions dénote une grande précipitation), que l’on

  1. Nous n’avons, pour donner ces dates, que le caractère architectonique des constructions ; mais, dans l’Île de France, les progrès sont si rapides, que l’on aperçoit, dans un espace de dix ans, des changements assez sensibles pour pouvoir, à coup sûr, fixer la date d’une construction.