Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[cat]
— 279 —

de leurs devoirs de s’enquérir des carrières et de les visiter, ils ne cherchent à avoir aucune action sur la manière de les exploiter ; c’est, nous le croyons, un grand tort ; car la qualité de la pierre dépend parfois autant de son gisement que des procédés employés pour l’extraire, ou de la saison pendant laquelle on l’extrait. Beaucoup de carrières sont gâchées par des carriers ignorants ou malhabiles, et ce serait un service à rendre que d’établir une police sur l’exploitation des pierres ; si cette police n’avait pas autrefois une action uniforme sur toute la surface de la France, on ne saurait douter, rien qu’en examinant les anciennes carrières abandonnées, que chaque centre religieux, ou peut-être chaque province, avait la sienne ; car presque toujours, dans ces carrières anciennes, on retrouve les traces d’une exploitation méthodique. Le même fait nous frappa lorsque nous visitâmes les carrières antiques de l’Italie et de la Sicile. Et, en effet, si les constructeurs du moyen âge avaient rompu avec la forme de l’architecture antique, ils en avaient conservé l’esprit pratique beaucoup plus qu’on ne le croit peut être. Ce qu’on ne saurait trop dire, c’est que précisément les amateurs exclusifs de la forme antique, depuis la renaissance, ont dédaigné ces bonnes et sages traditions qu’avaient su conserver les architectes du moyen âge. Il est probable que le maître des œuvres, Pierre de Montereau (à voir les matériaux admirables choisis pour bâtir la Sainte-Chapelle, on peut l’affirmer), allait à la carrière, et voulait savoir d’où et comment étaient tirés les grands blocs qu’il allait mettre en œuvre.

CATHÉDRALE, s. f. De cathedra, qui signifie siége, ou trône épiscopal. Cathédrale s’entend comme église dans laquelle est placé le trône de l’évêque du diocèse[1]. Dans les églises primitives, le trône de l’évêque (cathedra) était placé au fond de l’abside, dans l’axe, comme le siège du juge de la basilique antique, et l’autel s’élevait en avant de la tribune, ordinairement sur le tombeau d’un martyr[2]. L’évêque, entouré de son clergé, se trouvait ainsi derrière l’autel isolé et dépourvu de retable ; il voyait donc l’officiant en face (voy. Autel). Cette disposition primitive explique pourquoi, jusque vers le milieu du dernier siècle, dans certaines cathédrales, le maître autel n’était qu’une simple table sans gradins,

  1. Cathedra, proprie est sedes, seu sessio honestior et augustior episcoporum in Ecclesia, cæteris aliorum presbyterorum sedilibus excelsior : Ut in mentem revocarent, inquit S. August. in Psalm. 126, altiore se in loco, tanquam in specula constitutos, quo oculorum acie pervigili, atque indefessa, in tutelam gregis incumbant, tanto cæteris virtute et probitate clariores, quanto magis essent sedis honore ac sublimitate conspicui. (Ducange, Gloss.)
  2. Il existe encore quelques-uns de ces sièges épiscopaux. En Provence, à Avignon, on en voit un dans l’église cathédrale ; il est en marbre, et fut enlevé de sa place primitive pour être rangé à la droite de l’autel. Dans la cathédrale d’Augsbourg, le siége épiscopal est resté à sa place, au fond de l’abside, comme ceux que l’on voit encore dans les basiliques de Saint-Clément et de Saint-Laurent (extra muros) à Rome (voy. Chaire).