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en théologie à Paris et gouverneur des grandes écoles de la parouesse Saint-Severin, donna à l’église une bonne orgues et bien ordenées. Celles que l’on a vu subsister jusqu’en 1747, adossées à la tour de l’église, n’avoient été faites qu’en 1512… »

Au XVe siècle, on parle, pour la première fois, d’orgues de seize et même de trente-deux pieds ; les buffets durent donc prendre, dès cette époque, des dimensions monumentales.

Au XVIe siècle, tous les jeux de l’orgue actuel étaient en usage et formaient un ensemble de quinze cents à deux mille tuyaux. L’orgue qui passe pour le plus ancien en France est celui de Soliès-Ville dans le Var[1]. Celui de la cathédrale de Perpignan date des premières années du XVIe siècle ; nous en donnons ici (fig. 1) la montre. Le buffet se ferme au moyen de deux grands volets couverts de peintures représentant l’Adoration des Mages, le baptême de Notre-Seigneur et les quatre Évangélistes. Un positif, placé à la fin du XVIe siècle, est venu défigurer la partie inférieure de la montre ; le dessin que nous donnons ici le suppose enlevé. Le positif n’est pas, d’ailleurs, indispensable dans les grandes orgues. Lorsque le facteur peut disposer son mécanisme sur une tribune assez spacieuse pour placer ses sommiers dans le corps principal du buffet, le positif n’est plus qu’une décoration qui cache l’organiste aux regards de la foule. Un clavier à consoles est préférable, car il est nécessaire que l’artiste puisse voir ce qui se passe dans le chœur. Il est probable, cependant, que les anciens facteurs trouvaient plus commode de placer le sommier du positif à une certaine distance des claviers, à cause du peu de largeur du mécanisme, tandis qu’en plaçant leurs sommiers dans l’intérieur du grand buffet, ils étaient obligés d’établir la correspondance par des abrégés, des registres, etc., dont la longueur devait amener des irrégularités dans la transmission des mouvements. Le buffet de la cathédrale de Perpignan est bien exécuté, en beau bois de chêne, et sa construction, comme on peut le voir, établie sur un seul plan, est fort simple ; elle ne se compose que de montants et de traverses avec panneaux à jour. Presque tous les tuyaux de montre sont utilisés. L’organiste, placé derrière la balustrade, au centre, touchait les claviers disposés dans le renfoncement inférieur ; la soufflerie est établie par derrière dans un réduit.

On va voir (fig. 2) le buffet et la tribune des orgues de l’église d’Hombleux (Picardie), qui datent du commencement du XVIe siècle. Ici,

  1. L’orgue de Soliès-Ville est fort petit. Sa montre n’a pas plus de 2m,50 sur 2m,60 de haut ; cette montre est datée de 1499. Nous préférons donner à nos lecteurs la montre de l’orgue de Perpignan, qui est plus grande et plus belle comme travail et comme composition, et qui date de la même époque. D’ailleurs, et malgré que l’attention des archéologues ait été fixée sur les orgues de Soliès (voy. le 3e vol. du Bulletin archéol., pub. par le Min. de l’Inst. publique, p. 176.), l’instrument a été enlevé du buffet et refondu par un Polonais. L’inscription curieuse qui était sculptée à la base de la montre a été arrachée, et le curé actuel de Soliès médite de faire de ce buffet vide un confessional.