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nombreux produits sortis de ses fourneaux servirent non-seulement à orner les dressoirs des riches particuliers et des seigneurs, mais ils contribuèrent à la décoration extérieure des palais et des jardins.

BUFFET (d’orgues), s. m. On désigne ainsi les armatures en charpente et menuiserie qui servent à renfermer les orgues des églises. Jusqu’au XVe siècle, il ne paraît pas que les grandes orgues fussent en usage. On ne se servait guère que d’instruments de dimensions médiocres, et qui pouvaient être renfermés dans des meubles, posés dans les chœurs, sur les jubés, ou sur des tribunes plus ou moins vastes destinées à contenir non-seulement les orgues, mais encore des chantres et musiciens. Ce n’est que vers la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe que l’on eut l’idée de donner aux orgues des dimensions inusitées jusqu’alors, ayant une grande puissance de son et exigeant, pour les renfermer, des charpentes colossales. Les buffets d’orgues les plus anciens que nous connaissions ne remontent pas au-delà des dernières années du XVe siècle ; et ces orgues ne sont rien auprès des instruments monstrueux que l’on fabrique depuis le XVIIe siècle. Cependant, dès le XIVe siècle, certaines orgues étaient déjà composées des mêmes éléments que celles de nos jours : claviers superposés et pouvant se réunir, tuyaux d’étain en montre, trois soufflets, jeux de mutation, et ce qui doit être noté ici particulièrement, ces orgues avaient un positif placé derrière l’organiste et dans lequel on avait mis des flûtes dont l’effet est signalé comme très-agréable.

M. Félix Clément, à qui nous devons des renseignements précieux sur l’ancienne musique et sur les orgues, nous fait connaître qu’il a trouvé, dans les archives de Toulouse, un document fort curieux sur la donation faite à une confrérie, par Bernard de Rosergio, archevêque de Toulouse, d’un orgue, à la date de 1463. Il résulte de cette pièce que cinq orgues furent placées sur le jubé dans l’ordre suivant : un grand orgue s’élevait au milieu, derrière un petit orgue disposé comme l’est actuellement le positif ; un autre orgue, de petite dimension, était placé au haut du grand buffet et surmonté d’un ange ; à droite et à gauche au jubé se trouvaient deux autres orgues, dont deux confréries étaient autorisées à se servir, tandis que l’usage des trois premiers était exclusivement réservé aux chanoines et au chapitre de la cathédrale. Les cinq instruments pouvaient, du reste, résonner ensemble à la volonté de l’archevêque[1].

« L’église de Saint-Severin, dit l’abbé Lebeuf[2], est une des premières de Paris où l’on ait vu des orgues : il y en eut dès le règne du roi Jean, mais c’était un petit buffet ; aussi l’église n’étoit-elle alors ni si longue ni si large. J’ai lu dans un extrait du nécrologe manuscrit de cette église que, l’an 1358, le lundi après l’Ascension, maître Reynaud de Douy, écolier

  1. Rapport adressé par M. Felix Clément à M. le Ministre de l’Instruction publique et des Cultes, sur l’orgue de Toulouse, 1849.
  2. Hist. de la ville et du diocèse de Paris, t. I, p. 168.