Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[bef]
— 199 —

« Et sachez que les François qui étoient devant Breteuil ne séjournoient mie de imaginer et subtiller plusieurs assauts pour plus gréver ceux de la garnison. Aussi les chevaliers et écuyers qui dedans étoient, subtilloient nuit et jour pour eux porter dommage ; et avoient ceux de l’ost fait lever et dresser grands engins qui jetoient nuit et jour sur les combles des tours, et ce moult les travailloit. Et fit le roi de France faire par grand’foison de charpentiers un grand beffroy à trois étages que on menoit à roues quelle part que on vouloit. En chacun étage pouvoit bien entrer deux cents hommes et tous eux aider ; et étoit breteskié et cuiré pour le trait trop malement fort ; et l’appeloient les plusieurs un cas, et les autres un atournement d’assaut. Si ne fut mie si tôt fait, charpenté ni ouvré. Entrementes que on le charpenta et appareilla, on fit par les vilains du pays, amener, apporter et acharger grand’foison de bois et tout renverser en ses fossés, et estrain et trefs (paille et pièces de bois) sus pour amener ledit engin sur les quatre roues jusques aux murs pour combattre à ceux de dedans. Si mit-on bien un mois à remplir les fossés à l’endroit où on vouloit assaillir et à faire le char (le charroi). Quand tout fut prêt, en ce beffroy entrèrent grand’foison de bons chevaliers et écuyers qui se désiroient à avancer. Si fut ce beffroy sur ces quatre roues abouté et amené jusques aux murs. Ceux de la garnison avoient bien vu faire ledit beffroy, et savaient bien l’ordonnance en partie comment on les devoit assaillir. Si étoient pourvus selon ce de canons jetant feu et grands gros carreaux pour tout dérompre. Si se mirent tantôt en ordonnance pour assaillir ce beffroy et eux défendre de grand’volonté. Et de commencement, ainçois que ils fesissent traire leurs canons, ils s’en vinrent combattre à ceux du beffroy franchement, main à main. Là eut fait plusieurs grands appertises d’armes. Quand ils se furent plenté ébattus, ils commencèrent à traire de leurs canons et à jeter feu sur ce beffroy et dedans, et avec ce feu traire épaissement grands carreaux et gros qui en blessèrent et occirent grand’foison, et tellement les enfoncèrent que ils ne savoient auquel entendre. Le feu, qui étoit grégeois, se prit au toit de ce beffroy, et convint ceux qui dedans étoient issir de force, autrement ils eussent été tout ars et perdus. Quand les compagnons de Breteuil virent ce, si eut entre eux grand’huerie, et s’écrièrent haut : « Saint-George ! Loyauté et Navarre ! Loyauté ! » Et puis dirent : « Seigneurs françois, par Dieu, vous ne nous aurez point ainsi que vous cuidez. » Si demeura la greigneure partie de ce beffroy en ces fossés, ni onques depuis nul n’y entra…[1] »

Lorsqu’à la fin du XVe siècle, les auteurs de l’antiquité furent en honneur, on fit de nombreuses traductions de Végèce, de Vitruve, et leurs traducteurs ou commentateurs s’ingénièrent à trouver dans ces auteurs des applications à l’art militaire de leur temps. Ces travaux, utiles peut-être

  1. Chron. de Froissart, liv. I, part. II, chap. XXI. Édit. Buchon.