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forme est molle, pauvre, et est loin de produire l’effet encore solide de la base sur socle octogone. C’est aussi à la forme circulaire que s’arrêtèrent les architectes anglais, à la même époque.

L’influence du style français se fait sentir en Normandie à la fin du règne de Philippe-Auguste ; plus tard, le style anglo-normand semble prévaloir, dans cette province, dans les détails sinon dans l’ensemble des constructions. Cependant le profil de la base avait subi des modifications essentielles de 1220 à 1240. Le tore inférieur (fig. 34) A s’était aplati ; la scotie C se creusait et arrivait parfois jusqu’à l’aplomb du nu de la colonne ; le tore supérieur B, au lieu d’être tracé par un trait de compas, subissait une dépression qui allégeait son profil et lui donnait de la finesse. Le but de ces modifications est bien évident : les architectes voulaient donner plus d’importance au tore inférieur aux dépens des autres membres de la base, afin d’arrêter la colonne par une moulure large et se dérobant le moins possible aux yeux. Mais ce n’est que dans les provinces mères de l’architecture ogivale que ces détails sont soumis à des règles dictées par le bon sens et le goût ; ailleurs, en Normandie, par exemple, où la dernière période romane jette un si vif et bel éclat, on voit que l’école ogivale est flottante, indécise ; elle mêle ses profils romans au nouveau système d’architecture ; elle trace ses moulures souvent au hasard, ou cherche des effets dans lesquels l’exagération a plus de part que le goût. Le profil de la base que nous donnons (fig. 35) en est un exemple : c’est un profil roman ; la scotie est maladroitement remplie par un perlé qui amollit