Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[bas]
— 148 —

non-seulement le nombre et la force des colonnes, mais la position des bases (voy. Construction).

Supprimant les griffes aux bases des piliers isolés, on ne pouvait les laisser aux bases des colonnes engagées et des colonnettes des galeries, des fenêtres, etc. Les architectes du XIIIe siècle tenaient trop à l’unité de style pour faire une semblable faute ; mais nous ne devons pas oublier leur aversion pour toute surface horizontale découverte et par conséquent ne portant rien. Les griffes enlevées, l’angle de la plinthe carrée redevenait apparent, sec, contraire au principe des épaulements et transitions. Pour éviter cet écueil, les architectes commencèrent par faire déborder de beaucoup le tore inférieur de la base sur la plinthe (31)[1] ; mais les angles A, malgré le bizeau C, laissaient encore voir une surface horizontale, et le tore B ainsi débordant (quoique le bizeau C ne fût pas continué sous la saillie en D) était faible, facile à briser ; il laissait voir par-dessous, si la base était vue de bas en haut, une surface horizontale E. On ne tarda guère à éviter ces deux inconvénients en entaillant les angles et en ménageant un petit support sous la saillie du tore. La fig. 32 A indique en plan l’angle de la plinthe dissimulé par un congé, et B le support réservé sous la saillie du tore inférieur. La fig. 33 donne les bases d’une pile engagée du cloître de la cathédrale de Verdun taillées d’après ce principe. On voit que là les angles saillants, contre lesquels il eût été dangereux de heurter les pieds dans une galerie destinée à la promenade ou à la circulation, ont été évités par la disposition à pan coupé des assises inférieures P. Toutes ces tentatives se succèdent avec une rapidité incroyable ; dans une même construction, élevée en dix ans, les progrès, les perfectionnements apparaissent à chaque étage. De 1235 à 1245, les architectes prirent le parti d’éviter les complications de tailles pour les plinthes et socles des bases des colonnes secondaires, comme ils l’avaient fait déjà pour les grosses colonnes des nefs, c’est-à-dire qu’ils adoptèrent partout, sauf pour quelques

  1. Base de l’église de Notre-Dame de Semur, de Notre-Dame de Dijon, etc. Voyez aussi (37) la figure d’une base de la cathédrale de Laon, commencement du XIIIe siècle.