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marbre ou des calcaires compactes et d’une nature fière, ils se gardèrent de refouiller les scoties des bases ; ils multiplièrent les arêtes fines, les plans, pour obtenir des ombres vives, minces, et de l’effet à peu de frais. Dans le Languedoc, où les marbres et les pierres calcaires compactes froides se rencontrent à peu près seules, on trouve beaucoup de profils de bases taillés au XIIe siècle avec un grand soin, une grande finesse de galbe, mais où les refouillements profonds si fréquents dans le Nord sont évités.

Nous prenons comme exemple une des bases des colonnes jumelles de la galerie du premier étage de l’hôtel de ville de Saint-Antonin près Montauban (22).

La pierre employée est tellement compacte et fière qu’elle éclate sous le ciseau, à moins de la tailler à très-petits coups, sans engager l’outil. Or le profil A de cette base montre avec quelle adresse les tailleurs de pierre ont évité les refouillements, les membres saillants des moulures, comme ils ont tiré parti de la finesse du grain de la pierre pour obtenir, par des ciselures faites à petits coups, des plans nettement coupés, des arêtes vives quoique peu accentuées. Les traditions antiques, là où elles étaient vivantes, comme en Provence, conservaient encore, à la fin du XIIe siècle, leur influence, tout en permettant l’introduction des innovations. Parmi un grand nombre d’exemples que nous pourrions citer, il en est un fort remarquable : ce sont les bases des piliers du tour du chœur de l’église de Saint-Gilles (23). Les griffes d’angle viennent s’attacher au tore inférieur de la base ionique romaine ; leur sculpture rappelle la sculpture antique. Cette base qui, en se retournant entre les piles, forme le socle d’une clôture, porte sur le sol du chœur et n’est surélevée que du côté du bas-côté en A. Il est à présumer que les colonnes portaient le filet et