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porte à faux sur la pile B, calculant avec raison que la poussée des deux arcs-boutants supérieurs tendait à faire incliner cette pile A, et reportait sa charge sur son parement extérieur à l’aplomb de la pile B. Laissant un vide entre la pile A et le contre-fort C, ils bandèrent deux autres petits arcs-boutants dans le prolongement des deux grands, et surent ainsi maintenir l’aplomb de la pile intermédiaire A chargée par le pinacle D. Grâce à cette division des forces des poussées et à la stabilité donnée à la pile A et au contre-fort C par ce surcroît de pesanteur obtenu au moyen de l’adjonction des pinacles D et E, l’équilibre de tout le système s’est conservé ; et si le chœur de la cathédrale de Beauvais a menacé de s’écrouler au XIVe siècle, au point qu’il a fallu élever de nouvelles piles entre les anciennes dans les travées parallèles, il ne faut pas s’en prendre au système adopté, qui est très-savamment combiné, mais à certaines imperfections dans l’exécution, et surtout à l’ébranlement causé à l’édifice par la chute de la flèche centrale élevée imprudemment sur le transsept avant la construction de la nef. D’ailleurs, l’arc-boutant que nous donnons ici appartient au rond-point dont toutes les parties ont conservé leur aplomb. Nous citons le chœur de Beauvais parce qu’il est la dernière limite à laquelle la construction des grandes églises du XIIIe siècle ait pu arriver. C’est la théorie du système mise en pratique avec ses conséquences même exagérées. Sous ce point de vue, cet édifice ne saurait être étudié avec trop de soin. C’est le Parthénon de l’architecture française ; il ne lui a manqué que d’être achevé, et d’être placé au centre d’une population conservatrice et sachant comme les Grecs de l’antiquité, apprécier, respecter et vanter les grands efforts de l’intelligence humaine. Les architectes de la cathédrale de Cologne, qui bâtirent le chœur de cette église peu après celui de Beauvais, appliquèrent ce système d’arcs-boutants, mais en le perfectionnant sous le rapport de l’exécution. Ils chargèrent cette construction simple de détails infinis qui nuisent à son effet sans augmenter ses chances de stabilité (voy. Cathédrale). Dans la plupart des églises bâties au commencement du XIIIe siècle, les eaux des chéneaux des grands combles s’égouttaient par les larmiers des corniches, et n’étaient que rarement dirigés dans des canaux destinés à les rejeter promptement en dehors du périmètre de l’édifice (voy. Chéneau) ; on reconnut bientôt les inconvénients de cet état de choses, et, vers le milieu du XIIIe siècle, on eut l’idée de se servir des arcs-boutant supérieurs comme d’aqueducs pour conduire les eaux des chéneaux des grands combles à travers les têtes des contre-forts ; on évitait ainsi de longs trajets, et on se débarrassait des eaux de pluie par le plus court chemin. Ce système fut adopté dans le chœur de la cathédrale de Beauvais (61). Mais on était amené ainsi à élever la tête des arcs-boutants supérieurs jusqu’à la corniche des grands combles, c’est-à-dire bien au-dessus de la poussée des voûtes, comme à Beauvais, ou à conduire les eaux des chéneaux sur ces arcs-boutants au moyen de coffres verticaux en pierre qui avaient l’inconvénient de causer des infiltrations au droit des reins des voûtes. La poussée de ces arcs-boutants supérieurs, agissant à la tête des