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sur les bas côtés. Dans quelques églises de Normandie, celles entre autres de l’abbaye aux Hommes et de l’abbaye aux Dames de Caen, les constructeurs avaient cherché un moyen terme : ils avaient élevé sur des piles fort épaisses les grandes voûtes d’arêtes des nefs hautes, et ménageant de petits jours sous les formerets de ces voûtes, ils avaient cherché à contre-butter leur poussée par un demi-berceau continu bandé sur le triforium (49). Mais ce demi-berceau n’arrive pas au point de la poussée de ces voûtes hautes. Et pourquoi un demi-berceau continu pour maintenir une voûte d’arête dont les poussées sont reportées sur des points espacés au droit de chaque pile ? Il y a quelque chose d’illogique dans ce système qui dut bientôt frapper des esprits enclins à tout ramener à un principe vrai et pratique. Or, supposons que le demi-berceau A figuré dans la coupe de la nef de l’abbaye aux Hommes (49) soit coupé par tranches, que ces tranches soient conservées seulement au droit des poussées des arcs-doubleaux et des arcs-ogives, et supprimées entre les piles, c’est-à-dire dans les parties où les poussées des grandes voûtes n’agissent pas, l’arc-boutant est trouvé ;

il permet d’ouvrir dans les travées des jours aussi larges et aussi bas que possible. Le triforium n’est plus qu’une galerie à laquelle on ne donne qu’une importance médiocre. Le bas côté, composé d’un rez-de-chaussée, est couvert par un comble à pente simple. Ces murs épais deviennent alors inutiles, les piles des nefs peuvent rester grêles, car la stabilité de l’édifice ne consiste plus que dans la résistance des points d’appui extérieurs sur lesquels les arcs-boutants prennent naissance (voy. Contre-fort). Il fallut deux siècles de tâtonnements, d’essais souvent malheureux, pour arriver à la solution de ce problème si simple, tant il est vrai que les procédés les plus naturels, en construction comme en toute chose, sont lents à trouver. Mais aussi dès que cette nouvelle voie fut ouverte elle fut parcourue avec une rapidité prodigieuse, et l’arc-boutant, qui naît à peine au XIIe siècle, est arrivé à l’abus au XIVe. Quelques esprits judicieux veulent conclure de la corruption si prompte du grand principe de la construction des édifices gothiques, que ce principe est vicieux en lui-même ; et cependant l’art grec, dont personne n’a jamais contesté la pureté, soit comme principe, soit comme forme, a duré à peine soixante-dix ans, et Périclès n’était pas mort que déjà l’architecture des Athéniens arrivait à son déclin. Nous pensons, au contraire, que