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de la mitre, alors que la noblesse ne posait aucun signe au-dessus de ses armes. Nous avons vu des clés de voûte, des peintures des XIIIe et XIVe siècles, où les écussons des évêques sont surmontés du chapeau ou de la mitre[1]. Le chapeau épiscopal et le chapeau de cardinal ont la même forme ; seulement le premier est vert et n’a que dix glands aux cordons de chaque côté, posés 1, 2, 3 et 4 ; tandis que le second est rouge et les cordons terminés chacun par quinze glands, posés 1, 2, 3, 4 et 5.

Dès le XIIIe siècle la décoration peinte ou sculptée admit dans les édifices un grand nombre de figures héraldiques, et les armoiries exercèrent une influence sur les artistes jusqu’au commencement du XVIe siècle. La peinture monumentale n’emploie guère, pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles, que les émaux héraldiques ; elle ne modèle pas ses ornements, mais, comme dans le blason, les couche à plat en les redessinant par un trait noir. Les harmonies de la peinture héraldique se retrouvent partout pendant ces époques. Nous développons ces observations dans le mot Peinture, auquel nous renvoyons nos lecteurs.

Un grand nombre de vitraux de l’époque de saint Louis ont pour bordure et même pour fonds des fleurs de lis, des tours de Castille. À Notre-Dame de Paris deux des portails de la façade présentaient dans leurs soubassements des fleurs de lis gravées en creux. Il en est de même au portail de l’église de Saint-Jean-des-Vignes à Soissons. Le trumeau central de la porte principale de l’église de Semur en Auxois, qui date de la première moitié du XIIIe siècle, est couvert des armes de Bourgogne et de fleurs de lis sculptées en relief. À Reims, à Chartres, les vitraux des cathédrales sont remplis de fleurs de lis. À la cathédrale de Troyes on rencontre dans les vitraux du XIVe siècle les armes des évêques, celles de Champagne. Les villes et les corporations mêmes prirent aussi des armoiries ; les bonnes villes, celles qui s’étaient plus particulièrement associées aux efforts du pouvoir royal pour s’affranchir de la féodalité, eurent le droit de placer en chef les armes de France ; telles étaient les armes de Paris, d’Amiens, de Narbonne, de Tours, de Saintes, de Lyon, de Béziers, de Toulouse, d’Uzès, de Castres, etc. Quelques villes mêmes portaient : de France, particulièrement dans le Languedoc. Les corporations prenaient pour armes généralement des figures tirées des métiers qu’elles exerçaient ; il en était de même pour les bourgeois annoblis. En Picardie beaucoup d’armoiries des XVe et XVIe siècles sont des rébus ou armes parlantes, mais la plupart de ces armes appartenaient à des familles sorties de la classe industrielle et commerçante de cette province.

Ce fut à la fin du XIIIe siècle, sous Philippe le Hardi, que parurent les premières lettres de noblesse en faveur d’un orfèvre nommé Raoul (1270)[2]. Depuis lors les rois de France usèrent largement de leur prérogative ; mais ils ne purent faire que l’ancienne noblesse d’extraction considérât ces

  1. À Vézelay, XIIIe siècle ; dans la cathédrale de Carcassonne, XIVe siècle, etc.
  2. Le présid. Hénault, Abrégé chron. de l’Histoire de France.