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tenants de ses armes. Telle famille, qui avait pour tenants de son écusson des sauvages ou des mores, le faisant peindre dans une chapelle, changeait ces figures profanes contre des anges. Les armes de Savoye, par exemple, dont nous avons parlé, étaient soutenues par un ange sur l’une des portes du couvent de Saint-François à Chambéry, avec cette devise : Crux fidelis inter omnes. Les armoiries des villes furent aussi, à partir du XVe siècle, représentées avec des supports : Bâle a pour support un dragon ; Bordeaux deux béliers ; Avignon deux gerfauts, avec cette devise : Unguibus et rostro. Souvent les supports furent donnés par le nom des familles ; ainsi la maison des Ursins avait deux ours pour supports. Les supports sont parfois variés ; les rois d’Angleterre ont pour supports de leurs armes, à droite, un léopard couronné armé et lampassé d’azur, à gauche, une licorne d’argent accolée d’une couronne et attachée à une chaîne d’or passant entre les deux pieds de devant et retournant sur le dos. Mais ces supports sont postérieurs à la réunion de l’Écosse au royaume d’Angleterre ; avant cette époque, les supports des armes d’Angleterre étaient un lion et un dragon, ce dernier symbole à cause de l’ordre de la Jarretière dédié à saint Georges.

Pendant les tournois et avant l’entrée en lice, il était d’usage d’exposer les armoiries des combattants sur de riches tapis. Peut-être est-ce là l’origine des lambrequins sur lesquels, à partir du XVe siècle, on peignit les armoiries. Lorsqu’un tenant se présentait au pas d’armes, son écu ou sa targe était, dans certaines circonstances, suspendu dans un pavillon qu’il fallait ouvrir pour le faire toucher par ceux qui se faisaient inscrire pour jouter. « Le premier samedy du mois de may l’an 1450, le pavillon fut tendu, comme il estoit de coutume, et comme toujours se continua chacun samedy de l’an, durant l’emprise des susdicts. Si vint audict pavillon un jeune escuyer de Bourgogne, nommé Gérard de Rossillon, beau compaignon, haut et droit, et de belle taille ; et s’adreça ledict escuyer à Charolois le héraut, luy requérant qu’il luy fist ouverture ; car il vouloit toucher la targe blanche, en intention de combatre le chevalier entrepreneur de la hache, jusques à l’accomplissement de vingt-cinq coups. Ledict héraut luy fist ouverture, et ledict Gérard toucha : et de ce fut faict le rapport à messire Jacques de Lalain, qui prestement envoya devers luy pour prendre jour…[1] » On peut voir encore dans cet usage l’origine des lambrequins qui semblent découvrir l’écu. Il faut dire aussi que dès le XVe siècle les heaumes des chevaliers qui devaient jouter étaient armés d’un lambrequin en étoffe ou en cuir doré et peint, déchiqueté sur les bords ; cette sorte de parure qui accompagne le timbre surmontant l’écu, et qui tombe des deux côtés, paraît être le principe de cet accessoire que l’on trouve joint aux armoiries pendant les XVe et XVIe siècles… « Le tymbre doibt estre sur une pièce de cuir boully, laquelle doibt estre bien faultrée d’ung doy d’espez, ou plus par dedans ; et doibt contenir

  1. Mémoire d’Olivier de la Marche, liv. I, chap, XXI.