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réparée, surtout si on a le soin d’éviter de multiplier les noues, les arêtiers, les solins, ou du moins de les bien garnir de plomb solidement attaché. À partir du XIIIe siècle, partout où l’ardoise pouvait être importée, on lui donnait une grande préférence sur la tuile, et ce n’était pas sans cause. L’ardoise d’Angers ou des Ardennes ne s’imprègne pas d’une quantité d’eau appréciable, et par sa chaleur naturelle laisse rapidement évaporer celle qui tombe sur sa surface ; la tuile, au contraire, si elle n’est pas vernissée, se charge de son huitième de poids d’eau, et séchant lentement, laisse peu à peu l’humidité pénétrer les charpentes ; même étant bien faite, elle ne peut empêcher la neige fouettée par le vent de passer sous les combles. De plus, la tuile ne se prête pas à des couvertures compliquées, telles que celles qu’un état de civilisation avancé oblige d’employer, soit pour établir des lucarnes, faire passer des tuyaux de cheminée, disposer des faîtages, des noues, arêtiers et pénétrations. L’adoption presque générale de l’ardoise, au moins pour les édifices de quelque importance, eut une influence sur la forme des combles : jusque vers la fin du XIIe siècle, on ne leur donnait guère une pente supérieure à quarante-cinq degrés, ce qui est la pente la plus roide pour de la tuile, mais on crut devoir augmenter l’acuité des combles destinés à être couverts en ardoise ; celles-ci, retenues chacune par deux clous, ne pouvaient glisser comme le fait la tuile lorsque la pente des combles est trop forte, et plus leur inclinaison se rapprochait de la verticale, moins elles offraient de prise au vent. L’acuité des combles couverts en ardoise avait encore cet avantage de laisser glisser la neige, qui ne pouvait ainsi séjourner sur leur pente.

Dans les villes du nord, à partir du XIVe siècle, beaucoup de maisons étaient construites en pans de bois, et l’on se gardait bien alors, comme on le fait aujourd’hui, de couvrir ces pans de bois par des enduits. Toutefois, pour ne pas laisser les bois directement exposés aux intempéries, ou on les peignait avec soin, ou lorsqu’ils se trouvaient opposés aux vents de pluie, on les recouvrait d’ardoises ou de bardeaux essente (voy. Bardeau). Quelquefois ce revêtement couvrait les membrures du pan de bois et le colombage ; souvent le colombage, formé d’un simple enduit sur garni de plâtras ou de briques, restait apparent, et l’ardoise recouvrait seulement les poteaux, écharpes, sablières, potelets et tournisses du pan de bois. Au XVe siècle, ces ardoises servant de revêtement vertical des pans de bois étaient fréquemment découpées et formaient des dessins de diverses sortes : écailles, feuillages, trèfles, lozanges, etc. ; cet usage se perpétua encore pendant le XVIe siècle[1]. Des maisons de Rouen, d’Abbeville, de Caudebec, de Lizieux, de Troyes, de Reims, qui datent des XVe et XVIe siècles, présentent encore des vestiges de ces revêtements d’ardoises découpées sur les pans de bois. Voici (9) la disposition des ardoises qui enveloppent les

  1. Voir l’Essai sur les girouettes, épis, crêtes, et autres décorat. des anciens combles et pignons, par E. De La Quérière, 1846, dans lequel on rencontre un assez grand nombre d’exemples de ces revêtements d’ardoises.