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Tout en perfectionnant la défense, en renforçant les murailles par des remparts de bois et de terre en dehors des fosses, ou contre le parement extérieur de ces murailles mêmes, on reconnut cependant que ces moyens, en rendant les effets de l’artillerie à feu moins terribles et moins prompts, ne faisaient que retarder les assauts de quelques jours ; qu’une place investie voyant promptement des batteries de brèches se dresser à peu de distance des remparts, se trouvait enserrée dans ses murs sans pouvoir tenter des sorties ou communiquer avec les dehors. Conformément à la méthode employée précédemment, les assaillants dirigeaient encore à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe toutes leurs forces contre les portes ; les vieilles barbacanes en maçonnerie ou en bois (boulevards) n’étaient plus assez spacieuses ni assez bien flanquées pour obliger l’assiégeant à faire de grands travaux d’approches, on les détruisait facilement ; et une fois logés dans ces ouvrages extérieurs, l’ennemi s’y fortifiait, y dressait des batteries et foudroyait les portes. Ce fut d’abord sur ces points que l’attention des constructeurs de fortifications se fixa. Dès la fin du XVe siècle on s’était donc préoccupé avant toute chose de munir les portes, les têtes de pont, de flanquer ces portes par des défenses propres à recevoir de l’artillerie, en profitant autant que possible des anciennes dispositions et les améliorant. La porte à Mazelle (65), de la ville de Metz[1], avait été renforcée de cette manière ; l’ancienne barbacane en A avait été dérasée et terrassée pour y placer du canon ; la courtine B avait été remparée à l’intérieur et celle C reconstruite de façon à battre la première porte. Mais ces défenses resserrées, étroites, ne suffisaient pas, les défenseurs étaient les uns sur les autres ; les batteries de siége, dressées devant ces ouvrages accumulés sur un point, les détruisaient tous en même temps, et mettaient le désordre parmi les défenseurs. On se soumit bientôt à la nécessité d’élargir les défenses, de les porter au dehors, de battre un plus grand espace de terrain. C’est alors qu’on éleva en dehors des portes des boulevards pour les mettre à l’abri des effets de l’artillerie (66)[2] ; quelquefois ces boulevards étaient munis de fausses braies pour placer des arquebusiers ; si l’ennemi, après avoir détruit les merlons des boulevards et démonté les batteries, venait au fossé, ces arquebusiers retardaient l’assaut. On donnait déjà une grande étendue aux ouvrages extérieurs, pour avoir des places d’armes en avant des portes. La puissance de l’artillerie à feu avait pour résultat d’étendre peu à peu les fronts, de faire sortir les défenses des anciennes enceintes sur lesquelles autant par tradition que par un motif d’économie on cherchait toujours à s’appuyer. Les villes tenaient à leurs vieux murs, et ne pouvaient tout à coup s’habituer à les regarder comme des obstacles à peu près nuls ; si la nécessité exigeait qu’on les modifiât, c’était presque toujours par des ouvrages qui avaient un caractère provisoire. Le nouvel art de la fortification était à peine entrevu, et chaque ingénieur, par des

  1. Porte à Mazelle, à Metz. Topog. de la Gaule, Mérian. 1655.
  2. Porte de Lectoure, Ibid.