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du Poitou, de la Saintonge, de la Guyenne, les monuments romans de la Bourgogne et des bords de la Loire, présentent une quantité prodigieuse de ces animaux, qui, tout en sortant de la nature, ont cependant une physionomie à eux, quelque chose de réel qui frappe l’imagination ;

c’est une histoire naturelle à part, dont tous les individus pourraient être classés par espèces. Chaque province possède ses types particuliers, qu’on retrouve dans les édifices de la même époque ; mais ces types ont un caractère commun de puissance sauvage ; ils sont tous empreints d’un sentiment d’observation de la nature très-remarquable. Les membres de ces créatures bizarres sont toujours bien attachés, rendus avec vérité ; leurs contours sont simples et rappellent la grâce que l’on ne peut se lasser d’admirer dans les animaux de la race féline, dans les oiseaux de proie, chez certains reptiles. Nous donnons ici un de ces animaux, sculpté sur un des vantaux de porte de la cathédrale du Puy-en-Vélay (fig. 6). Ce tigre, ce lion, si l’on veut, est en bois ; sa langue, suspendue sur un axe, se meut au moyen d’un petit contre-poids quand on ouvre les vantaux de la porte ; il était peint en rouge et en vert. Il existe, sur quelques chapiteaux et corbeaux de l’église Saint-Sernin de Toulouse, une certaine quantité de ces singuliers quadrupèdes qui semblent s’accrocher à l’architecture avec une sorte de frénésie ; ils sont sculptés de main de maître (fig. 7). Au XIVe siècle, la sculpture, en devenant plus pauvre, plus maigre, et se bornant presque à l’imitation de la flore du nord, supprime en grande partie les animaux dans l’ornementation sculptée ou peinte ;

mais, pendant le XVe siècle et au commencement du XVIe, on les voit reparaître, imités alors plus scrupuleusement sur la nature, et ne remplissant qu’un rôle très-secondaire par leur dimension. Ce sont des singes, des chiens, des ours, des lapins, des rats, des renards, des limaçons, des larves, des lézards, des salamandres ; parfois aussi, cependant, des animaux fantastiques, contournés (fig. 8), exagérés dans leurs mouvements ; tels sont ceux que l’on