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des pourparlers, pendant lesquels l’armée assiégeante ne cessa de se fortifier davantage dans son camp et de garnir les passages, le roi des Français délogea subitement et licencia son monde le 2 août 1347.

Ce qui précède fait voir que déjà l’esprit militaire se modifiait en Occident, et dans la voie nouvelle, les Anglo-Normands nous avaient précédés. À chaque instant au XIVe siècle, l’ancien esprit chevaleresque des Français vient se heurter contre l’esprit politique des Anglais, contre leur organisation nationale, une déjà, et puissante par conséquent. L’emploi de la poudre à canon dans les armées et dans les siéges porta un nouveau et terrible coup à la chevalerie féodale. L’énergie individuelle, la force matérielle, la bravoure emportée, devaient le céder bientôt au calcul, à la prévoyance et à l’intelligence d’un capitaine, secondé par des troupes habituées à l’obéissance. Bertrand du Guesclin sert de transition entre les chevaliers des XIIe et XIIIe siècles et les capitaines habiles des XVe et XVIe siècles. Il faut dire qu’en France l’infériorité à la guerre n’est jamais de longue durée, une nation belliqueuse par instinct est plutôt instruite par ses revers encore que par ses succès. Nous avons dit un mot des défiances de la féodalité française à l’égard des classes inférieures, défiance qui était cause que dans les armées on préférait des soudoyers étrangers à des nationaux qui, une fois licenciés, ayant pris l’habitude des armes et du péril, se trouvant cent contre un, eussent pu se coaliser contre le réseau féodal, et le rompre. La royauté, gênée par les privilèges de ses vassaux, ne pouvait directement appeler les populations sous les armes ; pour réunir une armée elle convoquait les seigneurs, qui se rendaient à l’appel du suzerain avec les hommes qu’ils étaient tenus de fournir ; ces hommes composaient une brillante gendarmerie d’élite suivie de bidauds, de valets, de brigands, formant plutôt un troupeau embarrassant qu’une infanterie solide. Le roi prenait à solde, pour combler cette lacune, des arbalétriers génois, brabançons, des corporations des bonnes villes. Les premiers, comme toutes les troupes mercenaires, étaient plus disposés à piller qu’à se battre pour une cause qui leur était étrangère ; les troupes fournies par les grandes communes, turbulentes, peu disposées à s’éloigner de leurs foyers, ne devant qu’un service temporaire, profitaient du premier échec pour rentrer dans leurs villes, abandonnant la cause nationale qui n’existait pas encore à leurs yeux par suite du morcellement féodal. C’est avec ces mauvais éléments que les rois Philippe de Valois et Jean devaient lutter contre les armées anglaises et gasconnes déjà organisées, compactes, disciplinées et régulièrement payées. Ils furent battus, comme cela devait être. Les malheureuses provinces du nord et de l’ouest, ravagées par la guerre, brûlées et pillées, furent bientôt réduites au désespoir ; des hommes qui avaient tremblé devant une armure de fer, lorsque cette armure paraissait invincible, voyant la fleur de la noblesse française détruite par des archers anglais et des coutilliers gallois, par de simples fantassins, s’armè-

    le roi Édouard aurait refusé le cartel de Philippe. Disant qu’il n’avait qu’à venir le trouver dans son camp.