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vases, de grosses pierres faciles à saisir et à lancer. La ville est bellement fortifiée à ses portes ; bellement aussi et bien rangés les barons de France, munis de feu, d’échelles et de lourdes pierres, s’approchent de diverses manières pour s’emparer des barbacanes[1]… »

Mais le siége traîne en longueur, arrive la saison d’hiver ; le comte de Montfort ajourne les opérations d’attaque au printemps. Pendant ce temps les Toulousains renforcent leurs défenses «…Dedans et dehors on ne voit qu’ouvriers qui garnissent la ville, les portes et les boulevards, les murs, les bretèches et les hourds doubles (cadafales dobliers), les fossés, les lices, les ponts, les escaliers. Ce ne sont, dans Toulouse, que charpentiers, qui font des trébuchets doubles, agiles et battants, qui, dans le château Narbonnais, devant lequel ils sont dressés, ne laissent ni tours, ni salle, ni créneau, ni mur entier… » Simon de Montfort revient, il serre la ville de plus près, il s’empare des deux tours qui commandent les rives de la Garonne, il fortifie l’hôpital situé hors les remparts et en fait une bastille avec fossés, palissades, barbacanes. Il établit de bonnes clôtures avec des fossés ras, des murs percés d’archères à plusieurs étages. Mais après maint assaut, maint fait d’armes sans résultats pour les assiégeants, le comte de Montfort est tué d’un coup de pierre lancée par un pierrier, bandé par des femmes près de Saint-Sernin, et le siége est levé.

De retour de sa première croisade, saint Louis voulut faire de Carcassonne une des places les plus fortes de son domaine. Les habitants des faubourgs, qui avaient ouvert leurs portes à l’armée de Trencavel[2], furent chassés de leurs maisons brûlées par celui dont ils avaient embrassé la cause, et leurs remparts rasés. Ce ne fut que sept ans après ce siége que saint Louis, sur les instances de l’évêque Radulphe, permit par lettres patentes aux bourgeois exilés de rebâtir une ville de l’autre côté de l’Aude, ne voulant plus avoir près de la cité des sujets si peu fidèles. Le saint roi commença par rebâtir l’enceinte extérieure qui n’était pas assez forte et qui avait été fort endommagée par les troupes de Trencavel. Il éleva l’énorme tour, appelée la Barbacane, ainsi que les rampes qui commandaient les bords de l’Aude, le pont ; et permettaient à la garnison du château de faire des sorties sans être inquiétés par les assiégeants, eussent-ils été maîtres de la première enceinte. Il y a tout lieu de croire que les murailles et tours extérieures furent élevées assez rapidement après l’expédition manquée de Trencavel, pour mettre tout d’abord la cité à l’abri d’un coup de main, pendant que l’on prendrait le temps de réparer et d’agrandir l’enceinte intérieure. Les tours de cette enceinte extérieure ou première enceinte, étaient ouvertes du côté de la ville, afin de rendre leur possession inutile pour l’assiégeant, et les chemins de ronde des courtines sont au niveau du sol des lices, de sorte qu’étant pris, ils ne pouvaient servir de rempart contre

  1. Bocals : Entrée des lices.
  2. Les faubourgs qui entouraient la cité de Carcassonne étaient clos de murs et de palissades au moment du siége décrit par le sénéchal Guillaume des Ormes.