Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 1.djvu/368

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[arc]
— 349 —

sous du château[1]. Nous descendîmes à la barbacane et leur jetâmes et lançâmes tant de pierres et de carreaux, que nous leur fîmes abandonner ledit assaut ; plusieurs d’entre eux furent tués et blessés[2].

Mais le dimanche suivant, après la fête de Saint-Michel, ils nous livrèrent un très-grand assaut ; et nous, grâce à Dieu et à nos gens, qui avaient bonne volonté de se défendre, nous les repoussâmes : plusieurs d’entre eux furent tués et blessés ; aucun des nôtres, grâce à Dieu, ne fut tué ni ne reçut de blessure mortelle. Mais ensuite, le lundi 11 octobre, vers le soir, ils eurent bruit que vos gens, Madame, venaient à notre secours, et ils mirent le feu aux maisons du bourg de Carcassonne. Ils ont détruit entièrement les maisons des frères Mineurs et les maisons d’un monastère de la bienheureuse Marie, qui étaient dans le bourg, pour prendre les bois dont ils ont fait leurs palis. Tous ceux qui étaient audit siége l’abandonnèrent furtivement cette même nuit, même ceux du bourg.

Quant à nous, nous étions bien préparés, grâce à Dieu, à attendre, Madame, votre secours, tellement que, pendant le siége, aucun de nos gens ne manquait de vivres, quelque pauvre qu’il fût ; bien plus, Madame, nous avions en abondance le blé et la viande pour attendre pendant longtemps, s’il l’eût fallu, votre secours. Sachez, Madame, que ces malfaiteurs tuèrent, le second jour de leur arrivée, trente-trois prêtres et autres clercs qu’ils trouvèrent en entrant dans le bourg ; sachez en outre, Madame, que le seigneur Pierre de Voisin, votre connétable de Carcassonne ; Raymond de Capendu ; Gérard d’Ermenville, se sont très-bien conduits dans cette affaire. Néanmoins, le connétable, par sa vigilance, sa valeur et son sang-froid, s’est distingué par-dessus les autres. Quant aux autres affaires de la terre, nous pourrons, Madame, vous en dire la vérité quand nous serons en votre présence. Sachez donc qu’ils ont commencé à nous miner fortement en sept endroits. Nous avons presque partout contre-miné et n’avons point épargné la peine. Ils commençaient à miner à partir de leurs maisons, de sorte que nous ne savions rien avant qu’ils arrivassent à nos lices.

Fait à Carcassonne, le 13 octobre 1240.

Sachez, Madame, que les ennemis ont brûlé les châteaux et les lieux ouverts qu’ils ont rencontrés dans leur fuite. »

Quant au bélier des anciens, il était certainement employé pour battre le pied des murailles dans les sièges, dès le XIIe siècle. Nous empruntons encore au poëme provençal de la croisade contre les Albigeois un passage qui ne peut laisser de doute à cet égard. Simon de Montfort veut secourir le château de Beaucaire qui tient pour lui et qui est assiégé par les habitants ; il assiège la ville, mais il n’a pas construit des machines suffisantes ; les

  1. La principale barbacane, celle située du côté de l’Aude à l’ouest, voy. fig.9.
  2. En effet il fallait descendre du château situé en haut de la colline à la barbacane commandant le faubourg en bas de l’escarpement. (Voy. le plan de la cité de Carcassonne après le siége de 1240 ; fig. 11)