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teresse, se faisait sentir dans ces constructions, qui du reste, à l’extérieur, présentaient toujours une apparence fortifiée. La maison du riche bourgeois possédait une cour et un bâtiment sur la rue. Au rez-de-chaussée, des boutiques, une porte charretière, et une allée conduisant à un escalier droit. Au premier étage, la salle, lieu de réunion de la famille pour les repas, pour recevoir les hôtes ; en aile, sur la cour, la cuisine et ses dépendances avec son escalier à vis, bâti dans l’angle. Au deuxième étage, les chambres à coucher, auxquelles on n’accédait que par l’escalier à vis de la cour, montant de fond ; car l’escalier droit, ouvert sur la rue, ne donnait accès que dans la salle où l’on admettait les étrangers. Sous les combles, des galetas pour les serviteurs, les commis ou apprentis ; des greniers pour déposer les provisions. L’escalier à vis privé descendait dans les caves du maître, lesquelles, presque toujours creusées sous le bâtiment des cuisines en aile, n’étaient pas en communication avec les caves afférentes à chaque boutique. Dans la cour, un puits, un appentis au fond pour les provisions de bois, quelquefois une écurie et un fournil. Ces maisons n’avaient pas leur pignon sur la rue, mais bien l’égout des toits, qui, dans les villes méridionales surtout, était saillant, porté sur les abouts des chevrons maintenus par des liens. Ces dessous de chevrons et les façades elles-mêmes, surtout lorsqu’elles étaient en bois, recevaient des peintures. Quant à la maison du petit bourgeois, elle n’avait pas de cour particulière, et présentait, surtout à partir du XIVe siècle, son pignon sur la rue ; elle ne se composait, à rez-de-chaussée, que d’une boutique et d’une allée conduisant à l’escalier droit, communiquant à la salle remplissant tout le premier étage. La cuisine était voisine de cette salle, donnant sur une cour commune et formant bûcher ouvert au rez-de-chaussée, ou même quelquefois dans la salle même. On accédait aux étages supérieurs par un escalier privé, souvent en encorbellement sur la cour commune ; ainsi, chez le bourgeois comme chez le noble, la vie privée était toujours soigneusement séparée de la vie publique. Dans le palais, les portiques, la grand’salle, la salle des gardes, étaient accessibles aux invités ; dans la maison, c’était la boutique et la salle du premier étage ; tout le reste du logis était réservé à la famille ; les étrangers n’y pénétraient que dans des cas particuliers.

Dans les villes, chaque famille possédait sa maison. La classe bourgeoise ne se divisait pas, comme aujourd’hui, en propriétaires, rentiers, commerçants, industriels, artistes, etc. ; elle ne comprenait que les négociants et les gens de métier. Tous les hommes voués à l’état militaire permanent se trouvaient attachés à quelque seigneur, et logeaient dans leurs demeures féodales. Tous les commis marchands, apprentis et ouvriers logeaient chez leurs patrons. Il n’y avait pas de locations dans le sens actuel du mot. Dans les grandes villes, et surtout dans les faubourgs, des hôtelleries, véritables garnis, recevaient les étrangers, les écoliers, les aventuriers, les jongleurs, et tous gens qui n’avaient pas d’établissement fixe. Là on trouvait un gîte, au jour, à la semaine ou au mois. C’était de ces maisons, mal famées pour la plupart, que sortaient, dans les temps de troubles, ces