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jours isolée, possédant son officine, son entrée et sa cour particulières. En aile à l’est, à la suite du réfectoire, ou le long d’un second cloître, la bibliothèque, les cellules des copistes, le logement de l’abbé, l’infirmerie. Près de l’entrée de l’église, du côté opposé, l’hôtellerie pour les étrangers, l’aumônerie, les prisons, puis enfin les dépendances autour des bâtiments du grand cloître, séparées par des cours ou des jardins. À l’est un espace libre, retiré, planté, et qui semble destiné à l’usage particulier de l’abbé et des religieux. Pour résumer ce programme, une fois l’église donnée, les services purement matériels, ou qui peuvent être remplis par des laïques, sont toujours placés du côté de l’ouest dans le voisinage du porche, tandis que tout ce qui tient à la vie morale et à l’autorité religieuse, se rapproche du chœur de l’église. Mais si pendant le XIe siècle l’institut bénédictin s’était porté de préférence vers l’agriculture, s’il avait, par un labeur incessant, par sa persévérance, fertilisé les terres incultes qui lui avaient été données ; au milieu du XIIe siècle cette tâche était remplie ; les monastères, entourés de villages nouvellement fondés et habités par des paysans, n’avaient plus les mêmes raisons pour s’adonner presque exclusivement à la culture, ils pouvaient dorénavant affermer leurs terres, et se livrer à l’enseignement. Après avoir satisfait aux besoins matériels des populations, en rétablissant l’agriculture sur le sol occidental de l’Europe, ils étaient appelés à nourrir les intelligences, et déjà ils avaient été dépassés dans cette voie. Aussi nous voyons vers la fin de ce siècle, les ordres se rapprocher des villes, ou rebâtir leurs monastères devenus insuffisants près des grands centres de population ; conservant seulement l’église, ce lieu consacré, ils élèvent de nouveaux cloîtres, de vastes et beaux bâtiments en rapport avec ces besoins naissants. C’est ainsi que l’architecture monastique commence à perdre une partie de son caractère propre, et se fond déjà dans l’architecture civile.

À Paris, le prieur de Cluny fait rebâtir complètement le couvent de Saint-Martin des Champs, sauf le sanctuaire de l’église, dont la construction remonte à la réforme de ce monastère. Voici (13) le plan de ce prieuré[1]. L’abbé de Sainte-Geneviève fait également reconstruire son abbaye (14)[2]. Puis, un peu plus tard, c’est l’abbé de Saint-Germain des Prés qui, laissant seulement subsister la nef de l’église, commence la construction d’un nouveau monastère qui fut achevé par un architecte laïque, Pierre de Montereau (15)[3].

  1. A, l’église, dont le chœur remonte aux premières années du XIIe siècle, et la nef fut rebâtie vers 1240. B, le cloître. C, chapelle Notre-Dame. D, réfectoire. G, salle capitulaire. H, mortuaire. E, petit dortoir. I, grandes salles, dortoirs au-dessus. K, celliers. L, cuisine. N, chapelle Saint-Michel.
  2. A, l’église, la base de la tour est seule conservée, sa construction date du XIe siècle. B, le grand cloître. C, le chapitre. D, Jardin. E, le réfectoire. F, les cuisines.
  3. A, l’église. B, le cloître. C, la porte principale de l’abbaye du côté de la ville. D, porte dite papale du côté des prés. E, salle capitulaire et dortoirs au-dessus. F, la